Chapitre 30

La Fête des Peuples Perdus battait son plein. Les membres de la communauté nocturne s’étaient réunis au nord de Spadina, au pied des Monts Sans Noms. Sid n’avait jamais vu autant de nocturnes au même endroit en même temps, même lors de soirées particulièrement animées à la Croce Nera. Entre la totalité des vampires, trop heureux de fêter avec les autres peuples, une bonne centaine d’elfes de toutes conditions, de nombreux centaures, plus les quelques sorcières, les mages, les nymphes, la Garde Nessonienne et quelques mortels attachés aux traditions, l’Ange Noir estimait presque à un demi-millier le nombre de personnes réunies sur les bords de la Nessona. Un bar éphémère avait été installé sous une petite tente, où Camilo servait les différentes boissons de sa carte habituelle. La soirée aurait eu l’air d’une simple fête, comme la Croce Nera en connaissait des centaines par année, hormis le fait qu’elle avait lieu en plein air, qu’un orchestre improvisé de quelques vampires et elfes jouait des mélodies traditionnelles, et que tout le monde était déguisé en membre d’un des fameux peuples perdus, ces peuples ayant disparu ou existant encore mais ne s’étant plus manifestés depuis des siècles. Certains portaient de faux crânes de dragon (comme Sidney), certaines femmes avaient revêtu des robes vertes semblables à celles des fées dans les livres, il y en avait qui s’étaient munis de masques difformes pour rappeler les gobelins et ceux qui s’étaient recouverts de fourrure pour se souvenir des sphinx. Quelques personnes ne s’étaient pas déguisées mais arboraient de petites lanternes à leur ceinture, ce qui, selon Alberto, était le propre des lutins, qui indiquaient autrefois le chemin aux randonneurs égarés. Le seul peuple que Sid ne voyait pas représenté était les sirènes. Il avait cru comprendre que ce peuple n’était pas perdu, mais seulement très distant avec les habitants de la surface, malgré leur capacité à se déplacer sur la terre ferme. L’Ange Noir eut la surprise de voir Shadow arriver avec un manteau de chef de clan vampire et, regardant autour de lui, il vit que quelques personnes avaient choisi le même accoutrement. Interrogeant la jeune femme sur son choix, celle-ci lui répondit :

– Quand mon ancêtre, Nox, a instauré cette fête, c’était aussi pour célébrer les peuples retrouvés, comme les vampires aujourd’hui. D’ailleurs, tu portes bien un crâne de dragon et je n’ai pas disparu à ce que je sache.

Sid acquiesça. Shadow regarda la foule des danseurs et dit calmement :

– Avec d’autres, nous avions pensé nous déguiser en Ange Noir pour faire revenir notre Protettore aux abonnés absents depuis cinq ans, mais celui-ci est revenu pile au bon moment.

Sid eut un rictus gêné et se gratta l’arrière de la tête. Puis il en profita pour parler à Shadow de ce qu’il avait mentionné au téléphone avec Franck :

– En parlant de ça, je vais retourner à Lausanne dans le courant des prochaines semaines.

La descendante de Nox le regarda durement. Jester la rassura :

– C’est histoire d’une petite semaine, même moins. J’ai un ami qui a besoin d’aide et des objets à déménager ici.

– C’est juste une année, que tu disais à la même période, il y a cinq ans.

– Je voulais te proposer de m’accompagner. Tu n’as jamais quitté le Tessin, non ?

– Non, mais pour être honnête, ça m’importe peu. Je ne parle pas un mot de français. Et puis, pourquoi tu me demandes à moi de t’accompagner ?

– Parce que tu es celle qui mérite le plus quelques vacances.

« Quand mon ancêtre, Nox, a instauré cette fête, c’était aussi pour célébrer les peuples retrouvés, comme les vampires aujourd’hui »

Shadow sourit :

– Je vais venir, mais c’est pour m’assurer que tu ne disparaisses pas cinq ans de plus. Bon maintenant, viens danser !

Sid l’accompagna sur la « piste de danse » d’herbe fraîche. Les deux Protettori passèrent à côté de Rosanna et Niccolò, surprenant leur discussion :

– Tu m’as encore marché sur le pied, Nottebella !

– Je t’avais dit que je ne savais pas danser, Nicco, je suis une combattante, pas une danseuse.

– Si on a autant de bals qu’à l’âge d’or des vampires, il va bien falloir que tu apprennes. Fais-moi confiance et suis mes pas ! Fais attention à ne pas te prendre les pieds dans ta robe.

Sid aperçu Frasca, portant une simple lanterne à la ceinture d’une de ses tenues de guerrière. Alberto avait lui choisi de porter un crâne de dragon comme Sid. Il s’était même vanté avant la fête, d’être la seule personne à posséder un vrai crâne de jeune dragon. L’ancien chef du Conseil avait d’ailleurs retiré celui-ci, bien plus lourd que les simulacres bricolés par les autres. Alberto était accoudé au bar sous la tente ouverte, un verre de vin à la main, le regard vers la piste de danse, un sourire satisfait décorant son visage mal rasé. Une femme aux cheveux d’un noirs de jais, vêtue d’une chemise et d’un veston gris s’assit à côté de lui. On aurait dit une citadine de n’importe quelle ville européenne. Elle commanda d’une voix sèche :

– Un verre de Cuoresanguinoso.

« Tu m’as encore marché sur le pied, Nottebella ! »

Elle s’adressa à Alberto :

– Je sais que c’est du merlot, mais il est meilleur que celui qu’on sert en dehors de la Vallée.

Le vieux vampire tourna l’oeil vers la nouvelle arrivante :

– C’est toi, fit-il d’un ton neutre, je pensais que tu te montrerais pendant cette guerre.

La femme attrapa le verre que lui tendait Camilo en s’adressant au barman :

– Si je surprends tes oreilles de sorcier traîner dans le coin, ce que tu entendras seront les dernières paroles que tu entends, compris ?

Surpris qu’on s’adresse à lui comme sorcier – alors qu’il avait réussi à étouffer la rumeur après la bombe qui avait ravagé son établissement – Camilo quitta son bar pour se rendre sur la piste de danse. La femme répondit enfin à Alberto :

– Pourquoi me manifester ? Sidney a plutôt bien géré la situation.

– Pour quelqu’un qui aurait complètement pété un câble, tu as l’air étonnement calme.

La femme but tranquillement:

– Disons que j’ai eu le temps de réfléchir. Quand j’ai appris que tu étais de retour dans la Vallée, j’ai jugé bon de venir te saluer.

Alberto grogna :

– Pas comme d’autres. Wiggia ne voulait même pas que je sache qu’elle était en vie.

– Tous les Anges encore debout sont au courant de ton plan sur le long terme, mais certain n’y voient que le risque d’une seconde Guerre Angélique.

– Et toi, qu’est-ce que tu en penses ?

– Que la tempête approche. Avec ou sans toi, Sid aurait dû faire face à Giacco et ça aurait sûrement attiré l’attention de forces supérieures. Cependant, te savoir dans son camp me rend plus optimiste. Nabero aurait de toute façon fini par s’intéresser à lui. C’est pour ça que je suis là d’ailleurs, pour t’avertir. L’unification du peuple vampire marque la fin d’une époque et pas seulement pour nous, pour toute la Vallée. Bientôt, ce sera au tour de Treghia de se réveiller, les échos du passé résonneront à travers le Val Nessona, mais ce sera pour accompagner la mélodie du changement.

– Toujours aussi poétique, à ce que je vois.

– On ne se refait pas.

« Je sais que c’est du merlot, mais il est meilleur que celui qu’on sert en dehors de la Vallée »

Elle regarda Jester danser tour à tour avec Valeria et Vittoria :

– Il a bien grandi depuis son retour. Il est rentré dans la Vallée comme un adolescent brisé par ses peurs, le voici désormais leader et admiré. Malheureusement pour lui, ce qui l’attend est une épreuve herculéenne.

– C’est un Cuoresanguinoso, nulle épreuve ne sera trop ardue pour lui. Et il n’est pas seul. Tu sais qu’il est capable de générer de l’énergie angélique pure, comme toi. Tu pourrais lui apprendre.

La femme grimaça :

– Moins vite il saura s’en servir, moins vite il attirera l’attention d’autres Anges. Non, laissons-le profiter d’être un Ange Noir respecté et un chef du Conseil avisé. Chaque chose en son temps.

Elle finit son verre et dit avant de disparaître dans une brume surnaturelle :

– C’était sympa de te revoir, Alberto. Garde l’oeil ouvert et continue de veiller sur notre petit Sidney.

Une fois la mystérieuse femme hors de son champ de vision, Alberto grommela :

– Les Anges…

Camilo était de retour à son bar, il ne put s’empêcher de demander :

– C’était qui ?

Alberto le fusilla du regard avant de l’avertir :

– Je suis au courant pour ce qui est de votre petit groupe de chasseurs de secrets, mais si tu dis quoi que ce soit à qui ce soit, je te cloue la langue sur le comptoir, et ne t’inquiète pas, je saurai si tu mouchardes. Contente-toi de te réjouir car bientôt, je vais vous aider à percer le secret de Frasca. Mes mystères sont des secrets pour de bonnes raisons, tu m’as bien compris ?

Apeuré, le barman hocha la tête énergiquement. Alberto regarda le sourire de Sid et soupira :

– J’espère que tu seras à la hauteur, mais tu pourras toujours compter sur le vieil Alberto.

« Bientôt, ce sera au tour de Treghia de se réveiller, les échos du passé résonneront à travers le Val Nessona, mais ce sera pour accompagner la mélodie du changement »

Une vampire d’apparence jeune s’approcha de lui en tendant la main :

– Ce sera bientôt la Danse des Peuples Perdus, est-ce que vous me feriez l’honneur de m’accompagner, Ô Le Magnifique ? Dans mes souvenirs, vous êtes le meilleur danseur de notre peuple.

Alberto attrapa le crâne de dragon et le mit sur sa tête :

– Oh, mais c’est qu’on a affaire à une ancienne, et une connaisseuse! Ce serait ridicule de ma part de ne pas faire honneur à ma réputation et de ne pas profiter pour partager des souvenirs d’un âge où nous communiquions encore par corbeaux voyageurs et où les sorcières étaient une dangereuse bande de morues armées jusqu’aux dents.

Il prit la main de la vampire et entra en grandes pompes sur la piste de danse. Il s’approcha de Sid dansant avec une elfe rougissante dans une robe de fée beaucoup trop grande pour elle.

– Tu essaies de contenter tout le monde, remarqua Alberto.

– Je me suis donné comme règle d’accepter chaque invitation sans distinction de peuple, répondit Jester en adressant un clin d’oeil à sa cavalière qui semblait sur le point de tomber dans les pommes.

– Choisis bien ta prochaine cavalière, c’est bientôt la grande Danse des Peuples Perdus. Les sorcières disent que la personne avec qui l’on entame la chorégraphie est celle qui compte le plus pour nous dans la Vallée et que celle avec qui on finit aura un poids considérable dans notre vie.

– J’ignorais que cette étrangère était celle qui compte le plus pour toi dans la Vallée, ricana Sid.

Alberto sourit :

– Je ne peux pas danser avec moi-même et puis, ce genre de superstitions n’engage que ceux qui y croient. Personnellement, je sais que celle-ci a été lancée par Nox après avoir un peu trop abusé du vin vampire lors de la première Fête des Peuples Perdus et que les sorcières, dans leur incroyable bêtise, lui ont donné une importance quasiment prophétique.

À la fin du morceau, Sid laissa partir la jeune elfe après l’avoir gratifiée d’une bise amicale. La Danse des Peuples Perdus, Alberto avait passé des heures à tenter de l’enseigner aux vampires, avec un succès relatif. Peut-être que l’énergie du grand soir allait rendre les plus maladroits meilleurs danseurs. Alors que Sidney allait chercher Vittoria avec qui il avait répété et qui avait prévu d’être sa première cavalière pour la chorégraphie, Frasca l’attrapa par l’épaule et fit :

– Tu es la personne la plus importante pour moi dans la Vallée.

– Tu crois en ce truc ?

– Je suis une sorcière, je respecte les traditions de mon peuple.

Sid lança un regard désolé à Vittoria, qui haussa les épaules et prit la main que lui tendait Gürk, le prince elfe. La musique commença. Les couples dansaient d’abord en rond le temps de trois tours dans le sens des aiguilles d’une montre, tapaient trois fois dans les mains, puis trois tours dans le sens inverse, avant de taper à nouveau trois fois dans les mains et de changer de partenaire en rythme. C’était cette partie qui était la plus compliquée à réaliser, car il fallait que les différentes paires de danseurs soient synchronisées et la ronde devait reprendre après le dernier claquement de mains. Sid passa de Frasca à une vampire presque aussi grande que lui, puis à Rosanna (qui lui écrasa les pieds autant de fois qu’il lui fut possible de le faire), et s’enchaînèrent une elfe, Vittoria, Ophelia, une sorcière timide qu’il ne connaissait pas très bien…

« J’espère que tu seras à la hauteur, mais tu pourras toujours compter sur le vieil Alberto »

Après quelques changements de partenaire, Sid se retrouva avec Joküla, le visage fermé et dur. Mais en tournant, il vit des lueurs sur le flanc des Monts Sans Noms, un cordon de petites lumières dansant au rythme de la danse. Autour de ce serpent lumineux, il pouvait voir des lumières plus petites parsemant le reste des montagnes environnantes. Alberto, à quelques mètres de Sid, s’écria avec joie :

– Ce sont les lampions des fées ! Elles nous saluent !

Alors que tous allaient cesser de danser pour mieux regarder, le vampire hurla :

– Ne vous arrêtez pas! Elles veulent partager cette danse avec nous, si nous la brisons, elles n’auront plus de raison de se montrer.

Sid remarqua la grimace de Frasca, au bras d’un centaure, à la mention des fées. La ronde continua et les lampions continuaient à s’agiter. Jester crut entendre un rugissement sourd. Il mit ça sur le compte des quelques bières qu’il avait bues. Il y eut un courant d’air au-dessus de la tête des danseurs. Jester leva la tête, ce qui le fit manquer de trébucher sur sa partenaire suivante, Shadow, qui elle aussi semblait fascinée par le ciel. La lumière du feu dévoila des écailles noires au-dessus de leur crâne. Malgré les recommandation d’Alberto, ils se précipitèrent tous les deux vers le sud, les yeux vers la voûte étoilée. Ils ne savaient pas s’ils étaient les seuls à avoir noté ce qu’il y avait dans le ciel, mais ils virent trois énormes reptiles, d’une bonne vingtaine de mètres de long chacun, voler haut dans le ciel en crachant un torrent de flammes en direction de la lune et retourner vers les Monts Sans Noms en formation triangulaire. Ils retournèrent dans la ronde qui dura encore une bonne dizaine de minutes, accompagnée par les lampions féeriques ainsi que par quelques flammes émergeant parfois du sommet d’une montagne. Quand la musique se tut, Sid était face à une superbe jeune femme, dans une robe de sorcière noire. Il ne l’avait jamais vue, jamais rencontrée. Elle mit son doigt sur ses lèvres comme pour faire signe à Sid de ne rien dire, puis elle disparut dans la nuit. Alberto avait apparemment aussi vu la jeune femme, il accourut, jetant son crâne de dragon par terre :

– Sid, ça va ?

– Pourquoi ça n’irait pas ?

Alberto regarda son descendant de la tête aux pieds :

– Cette femme avec qui je t’ai vu, elle t’a dit quelque chose ?

– Non. Pourquoi, c’est un Ange, elle aussi ?

Alberto grimaça :

– Non, pas tout à fait, mais elle est porteuse de malheur.

– Qui était-ce ?

« Ce sont les lampions des fées ! Elles nous saluent ! »

Le vampire semblait vouloir mentir, mais il se ravisa :

– Melusina, la fille de Nabero. Si elle s’est montrée, c’est soit pour t’avertir, soit pour t’inspecter. On la surnomme la Messagère du Chaos. Elle est née d’une vampire et de Nabero, ses apparitions veulent dire que Nabero suit la situation de très près.

Sid déglutit. Cependant, il tapa dans le dos d’Alberto :

– Que serait la vie d’un Ange Noir sans un peu de danger ?

Le vampire regarda Sid, surpris, avant d’exploser de rire :

– Finalement, j’ai eu une bien meilleure influence sur toi que sur mes enfants. Allons vider la réserve de Vallese, comme un aïeul et son digne héritier !

Sid s’enthousiasma :

– Tu as vu les dragons ?

– Oui,  j’ai préféré me taire. Sinon ces idiots auraient interrompu la danse. Mais ils n’ont rien remarqué. Personne, sauf toi, Shadow et moi, peut-être Zjök aussi. Ils ne savent pas l’honneur qui leur a été fait.

Sid l’interrogea :

– À ce point-là ?

– Le dragon au centre des trois, c’était Braggiero, le Dragon Noir, le Seigneur du Feu. Le plus vieux et le plus grand sage de la Vallée. Les deux autres doivent être ses fils. Un dragon normal ne dépasse que rarement les dix mètres de long.

Il montra Aauh et dit :

– C’est Braggiero qui est représenté sur mon épée.

– C’est dingue. Et à chaque Fête des Peuples Perdus, les fées et les dragons offrent un spectacle son et lumière ?

Alberto prit une chope et dit :

– Non. Justement, entre ça, Melusina, ton énergie angélique pure… Je crois bien que les prochains événements ne seront pas de tout repos.

Sid but sa bière d’une traite :

– Alors profitons du temps qui nous est donné avant ces événements pour nous préparer, mais aussi pour profiter de la nouvelle ère de notre peuple.

« On la surnomme la Messagère du Chaos. Elle est née d’une vampire et de Nabero, ses apparitions veulent dire que Nabero suit la situation de très près »

Alberto acquiesça. Sid continua :

– Je vais partir une semaine à Lausanne avec Shadow, tu occuperas la tête du clan et je te nomme aussi gardien de la Vallée avec Zjök et Frasca pendant mon absence. Tu penses pouvoir t’en occuper ?

Alberto fit nonchalamment :

– Je suis Alberto Cuoresanguinoso, je peux très bien assurer tes arrières une petite semaine.

Il regarda son descendant dans les yeux et dit avec émotion :

– Quand je te regarde, je vois ce que j’aurais voulu réussir pour mes enfants et je suis extrêmement fier que mon sang coule dans tes veines, Sidney. Tu fais honneur à notre clan, plus que n’importe quel membre de notre famille. Je suis sûr que Lino serait aussi très fière de toi. Tu salueras Franck Altreï de ma part et de la part du Val Nessona, on lui doit notamment le retour de notre héros, je crois.

– Rien ne t’échappe…

– Jamais.

Sid et Alberto continuèrent à rire et à boire toute la soirée.

« Je suis Alberto Cuoresanguinoso, je peux très bien assurer tes arrières une petite semaine »

De son côté, depuis la Danse des Peuples Perdus, Frasca s’étaient renfermée. Les fées ? Qu’est-ce que ces emmerdeuses pédantes et timorées faisaient ici ? Si la sorcière savait que certaines avaient survécu à leur disparition, elle avait espoir que celles-ci ne pointeraient pas le bout de leur nez hors de leur cachette. Si le retour de Sidney l’avait ravie au début de l’été, ce qui avait suivi lui avait fortement déplu, lui rappelant son passé. Tout d’abord, Alberto, toujours là pour lui rappeler ce qu’elle était. Ensuite, ce fut le tour de Lino, à travers la volonté de Sid de défaire Giacco et la vérité sur Fortuna Bloodheart. Rien que cela avait suffi à ce que Sid se pose des questions sur la sorcière et son passé. Comme si ça ne suffisait pas, les loyalistes étaient réapparus avec ce surnom ridicule de Tueuse. Et était arrivé un nouveau Conseil des Six, un peuple vampire plein de potentiel appelé à dominer la Vallée par sa culture ou par la voie diplomatique. Assise sur les rives de la Nessona serpentant entre les Monts Sans Noms et le lac Saffro, Frasca fulminait.

– C’est un cauchemar, je vais me réveiller.

Ce n’était pas tout, comme si un nouveau Conseil des Six puissant et ambitieux ne suffisait pas, la sorcière avait vue la femme avec Alberto à la fête. Elle lui avait couru après quand celle-ci avait disparu. Elle était persuadée que ça ne pouvait être vrai, qu’elle ne pouvait pas être là. Frasca avait aussi entraperçu la Messagère face à Sid. Elle avait déjà vu Melusina, mais à une époque où elle n’aurait jamais pu penser être l’amie du chef du Conseil des Six. Elle devait rester aux aguets, ce qu’elle était pouvait l’éloigner de son ami et elle ne le voulait pas. Ce passé pouvait l’éloigner de tous ceux qui l’ignoraient, ils ne comprendraient pas. Elle l’avait déjà vécu, les regards méfiants, la défiance quand Sangue l’avait présentée à la Croce Nera comme nouvelle alliée. Frasca se souvenait aussi de la réaction de Lino, la même que quand elle avait été dépêchée pour proposer un accord entre Treghia et le Conseil, ce qui avait donné lieu à la guerre entre les deux peuples. La sorcière marchait en direction de chez elle. Il y allait avoir une nouvelle Fête des Peuples Perdus dans vingt-cinq ans, pas de quoi en faire un plat. Sur le trajet, elle avait la sensation désagréable que son passé n’allait plus être un secret pour très longtemps. Qu’il allait bientôt la rattraper. En sortant les clés de sa maison, elle trébucha sur quelque chose de dur. La sorcière ramassa l’objet en question avec horreur. Un oiseau, sûrement un corbeau, calciné, puis congelé avec un caillou coincé dans le bec. C’était un acte de menace à Treghia, symbolisant les quatre éléments : on gavait un corbeau de pierres, on le noyait avant de le brûler et de le geler. Frasca le regarda avec méfiance et vit avec effroi un parchemin planté avec un couteau treghien :

Mort à la Traîtresse !

Mort à Frasca la Blanche !

par

Illustration :