Chapitre 22

Sid avait disposé ses GPS sur la table de la salle de réunion du Conseil des Six. Il dit avec autorité :

– Notre mission de repérage en vue de l’assaut est désormais également une opération punitive. De plus, elle aura lieu ce soir. Giacco a commis un acte impardonnable, comme vous le savez, et si nous voulons éviter d’avoir les exorcistes sur le dos, nous devons répondre à notre ennemi. Or, tant que Valeria n’est pas prête, l’assaut est inconcevable, cela doit être la victoire du Conseil des Six au grand complet. J’irai donc, avec ceux d’entre vous qui se portent volontaires, dans les catacombes pour en faire la cartographie. Ces gadgets, dit-il en indiquant les GPS, les balayeront avec un sonar à une distance de dix mètres alentours, permettant de situer les murs et les obstacles. De plus, nous pourrons nous séparer, parce que ces engins sont connectés entre eux et, si vous avez un problème, vous pouvez envoyer un signal à vos alliés. Pendant que nous cartographierons, nous poserons aussi des pièges. Comme nous devons envoyer un signal fort, pendant que nous ferons ce travail de l’ombre, Shadow et Frasca iront détruire les planques encore existantes et laisseront ma signature. L’opération de ce soir n’est qu’une étape avant la chute de Giacco, mais elle est primordiale. Niccolò, Vittoria, vous n’êtes pas encore familiers avec les arts du combat, je comprendrais que vous ne vouliez pas intervenir dans les catacombes. Rosanna et Massimo, je compte sur vous, mais si vous ne le sentez pas, vous n’êtes pas tenus de venir, je peux comprendre que ce plan soit…

– J’en suis, dit Rosanna, j’ai déjà une ébauche de la situation des catacombes grâce à ma mère et je peux te la transmettre pour que tes trucs nous évitent de nous perdre trop facilement. L’attentat de la Croce Nera avait pour but de monter les exorcistes contre nous, je suis d’avis que nous frappions vite.

Massimo hocha la tête comme pour approuver les paroles de la cheffe des Nottebella. Alberto, qui dirigeait toujours les Lunascura par intérim, soupira :

– Il faut qu’un chef expérimenté reste. Si nous perdons Sid, Massimo et Rosanna, il ne restera plus que des chefs jeunes sans connaissance des lois politiques. De plus, je préfère éviter de laisser les Lunascura seuls, certains d’entre eux s’impatientent déjà à l’idée de siéger au Conseil.

Niccolò dit :

– Je veux venir. Je vais prouver qu’un sang non-noble peut agir comme un meneur.

Vittoria souffla :

– Je ne sais pas si je serai très utile, mais je viens aussi.

« L’attentat de la Croce Nera avait pour but de monter les exorcistes contre nous, je suis d’avis que nous frappions vite »

 

Après avoir détaillé le plan, Sid mena ses chefs de clan dans l’armurerie et dévoila sur une table cinq paires de lames rétractiles semblables aux siennes ainsi que des semelles contenant une lame comme celles qu’il avait sous ses chaussures.

– J’ai demandé à un de nos forgerons de fabriquer ceci. Nous sommes un peuple qui tue en silence, la mort surprenante et foudroyante. Dans une mission furtive comme la nôtre, cela nous sera moins encombrant que les lames vampires.

Il expliqua le fonctionnement de ces armes à ses confrères et les laissa s’en équiper. Il y avait sur les lames rétractiles un support pour y attacher le GPS.

À la tombée de la nuit, Sid avait téléphoné à Frasca et à Shadow pour leur indiquer leurs cibles. Les cinq chefs de clan se trouvaient devant l’entrée des catacombes de Spadina, où ils éliminèrent la sentinelle patrouillant dans les environs. Sid murmura :

– Quand faut y aller, faut y aller. Bonne chance à vous. Ne prenons aucun risque, on exécute les gardes que l’on croise et s’ils sonnent l’alarme, on avertit les autres et on se regroupe en direction de cette sortie. Je vous rappelle que vos GPS sont munis de radios, mais, tant que ce n’est pas nécessaire, on va les garder muettes pour faire le moins de bruit possible.

Il y eut un petit concert de sons électroniques au moment où les vampires enclenchèrent leurs GPS, avant de s’engouffrer dans les escaliers s’enfonçant dans les profondeurs du Val Nessona. Vittoria murmura à Sid :

– J’ose rester avec toi ?

– Bien sûr. Niccolò, tu veux accompagner quelqu’un ?

Le Maninere regarda Rosanna. Tout les opposait, le lignage, l’attitude, Rosanna étant une noble très fière et sans grande estime pour les bas lignages, mais pourtant Rosanna lui dit sèchement :

– Si tu ne perds pas tous tes moyens devant un ennemi, viens avec moi.

Massimo constata :

– Vu que je suis seul, je vais couvrir vos arrières respectifs, je reste vers la sortie et j’accours en cas de besoin.

– C’est un bon plan. Vous avez tous les pièges que je vous ai donnés ainsi que les instructions pour les mettre en place. En route !

Les deux binômes se séparèrent dans les ténèbres des catacombes. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, les mises à jour faites par le sonar de l’autre groupe précisaient les couloirs du dédale des catacombes. Les pièges s’affichaient également pendant qu’ils visitaient les galeries où se terrait l’ennemi. Les longs murs formant des corridors de largeurs variables étaient tapissé de cavités contenant des cercueils. Il y avait aussi des cadavres, témoins du massacre qui avait eu lieu presque trois cents ans auparavant. Il y régnait une odeur de moisissure, due à l’humidité dans la partie du Labyrinthe se situant sous le lac Saffro. Quelques torches illuminaient faiblement les catacombes. Le sol était irrégulier, s’enfonçant dans les profondeurs de la Vallée parfois, remontant à la hauteur de la surface de temps en temps. Sid et Vittoria étaient tombés sur quelques gardes mais les avaient tués sans difficultés. Toujours aucune alerte. L’objectif idéal était de traverser les catacombes sans être vus et d’en sortir dans le bas de Capriggio, où la rivière souterraine se jetait dans le lac, afin de quadriller toute la zone de traquenard et en avoir la cartographie complète. Selon le GPS, ils se trouvaient après une ou deux heures en dessous de Volpino, ils avaient fait les deux tiers de la mission. Malgré sa sympathie pour Vittoria, Sid n’échangea pas énormément avec elle. Il fallait se concentrer, être discret. À chaque fois, que l’Ange Noir entendait des bruits de pas, il priait pour qu’il ne s’agisse pas d’un chef de clan, et encore moins de Giacco. Il tentait aussi de faire le moins de victimes possible, pour ne pas trop attirer l’attention. S’ils se faisaient repérer, même dans le cas où le Conseil de Sid s’en échappait, les vampires des catacombes risquaient d’augmenter la surveillance, compliquant ainsi l’assaut final. Vittoria tenta de discuter avec Jester qui la coupa très vite en lui faisant signe de faire moins de bruit :

– On aura tout le temps de taper la discussion au Fort, murmura-t-il avec fermeté en posant un piège à loup.

Il arrivait parfois qu’ils entendent les discussions des vampires de Giacco. Leur sujet favori était de toute évidence la grandeur de leur chef et le génie de ses crimes. Sid devait se retenir pour ne pas les tuer. C’était le mot d’ordre: ne tuer des ennemis qu’en cas de nécessité, comme les gardes qui les avaient repérés plus tôt. Sid posait les pièges divers et variés. Outre les classiques pièges à loup, il y avait également des systèmes de cordes et de poulies, longs à mettre en place, mais terriblement efficaces, car ils attrapaient les pieds de la cible et la soulevait dans les airs. Des filets, des mines provoquant un épais nuage de fumée faisaient aussi partie du lot. Sid se concentrait sur sa tâche quand de sinistres cloches sonnèrent derrière eux. La voix de Niccolò résonna dans l’appareil de Sid :

– On a été repéré par une patrouille, on n’a pas pu empêcher l’un d’entre eux de sonner l’alarme, on attend tes instructions.

Massimo réagit par le même biais, sa voix calme avait le don d’apaiser la tension pourtant bien présente, comme pour éviter que de mauvaises décisions ne soient prises dans la précipitation :

– Je vous vois près de la sortie opposée à la mienne, je vais sortir par le point d’accès de Spadina.

Sid lança à ses chefs de clan :

– On continue de balayer le secteur en prenant la fuite, Vittoria et moi rejoignons Rosanna et Niccolò avant de nous orienter vers la sortie qui se trouve dans les bas de Capriggio.

Rosanna coupa :

– On se dirige dans votre direction également, on sortira plus vite de ce trou à rats. Allez !

Il leur fallut cinq minutes pour se rejoindre. En se dirigeant vers la sortie, Rosanna lança :

– Ce serait plus rapide de monter vers le tombeau d’Oscuro, on arriverait au quatrième sous-sol, les pièges et les monstres qui s’y trouvent devraient être prenables à quatre ! La sortie principale des catacombes sera sûrement gardée !

Sid répliqua :

– Je préfère affronter une vingtaine de vampires que de prendre le risque de voir Vittoria ou Niccolò se faire déchiqueter par une gorgone ou un spectre.

– On sortirait plus vite, et la fuite serait facilitée, insista Rosanna.

– Des gardes vampires, j’en élimine vingt en moins de dix minutes. Le caveau est lui aussi un labyrinthe et on ne sait pas ce qui nous y attend. On n’a pas le temps de se battre ou de voter et dans ces cas-là, c’est moi qui commande. Si on se fait discret, on pourrait sortir en douce pendant qu’ils sont occupés à nous chercher ailleurs.

Vittoria proposa :

– Et si on feignait de sortir par le tombeau alors qu’en fait on sortait par l’entrée principale ?

– Et comment ? demanda Rosanna.

– En posant des pièges sur le trajet vers le caveau, dit Niccolò, et en nous faisant voir dans cette direction.

Sid hocha la tête et sortit des pièges, il regarda Rosanna :

– Quelque chose à redire ?

– Non, sauf que je parie que j’en pose plus que toi en deux minutes.

– Pari tenu, Vittoria, Niccolò, allez-vous cacher !

Sid et Rosanna utilisèrent la danse invisible pour poser des pièges sur le tracé menant à l’aile du caveau du Protettore Maudit reliée aux catacombes. Sid relâchait parfois sa concentration pendant quelques secondes pour se faire apercevoir des vampires de Giacco. Une fois le sac de pièges vidé, Rosanna se vanta :

– Neuf.

– Six, reconnut Sid. En route, mais dans l’ombre et le silence.

« Je préfère affronter une vingtaine de vampires que de prendre le risque de voir Vittoria ou Niccolò se faire déchiqueter par une gorgone ou un spectre. »

 

Ils se dirigèrent vers la rivière souterraine qui menait vers la sortie sud des catacombes. Dès qu’un groupe de vampires apparaissait, les quatre chefs de clan disparaissaient dans une galerie voisine. Rosanna tirant Niccolò vers l’avant, quand celui-ci s’arrêtait à la vue d’un cadavre rappelant la boucherie s’étant produite ici-même. La rivière souterraine accentuait l’odeur de moisi des lieux. Ils virent la lumière de la lune éclairer le lac Saffro, c’était la sortie. Mais une ombre se dessina sous l’arche rocheuse surplombant la rivière souterraine. Sid reconnut la silhouette malingre de Giacco. Il l’entendit siffler de sa voix monotone :

– Presque.

Sid fit signe à ses compagnons de reculer. Il dégaina Kustu. Giacco continua :

– Tu as presque réussi à me surprendre, Bloodheart. Mes troupes sont décimées, mes planques brûlées, mais tu sembles oublier qu’aux échecs, malgré les pions et les fous, le but est de prendre le roi. Le roi tombe, le jeu s’arrête. Je vais faire ce que j’aurais dû faire il y a des semaines, ou même quand tu n’étais qu’un enfant.

Le temps se figea, Rosanna, Vittoria et Sid avaient entamé la danse invisible, tout comme Giacco. Niccolò, n’étant pas de sang noble, était figé comme l’espace et le temps. Giacco fonça sur Sid. Rosanna prit Niccolò par le bras et, avec Vittoria, s’échappa des catacombes, profitant de la distraction de Giacco. Sid para l’épée du chef des vampires renégats et pressa sur son talon pour faire sortir la lame de sa chaussure. Il frappa le tibia de Giacco avec, avant de le cogner de sa main gauche au visage. Il allait donner un coup avec Kustu sur le vampire, mais celui-ci riposta d’un coup de crâne sur l’arrête du nez du Protettore. Le temps commençait a reprendre ses droits pour Sid, mais pas pour son adversaire. Il s’empara d’un de ses fumigènes et cria :

– Ta fin est proche !

Il prit la fuite, mais ne put éviter un coup manquant de lui perforer la poitrine. L’entaille était profonde, mais il allait survivre. Sous le choc, il courut en titubant, recherchant du regard ses chefs de clan. Si Giacco n’était pas encore sous l’emprise des secondes qui passent, il pouvait frapper à tout moment dès qu’il se serait extirpé du nuage de fumée. Il n’y avait personne pour aider l’Ange Noir. Celui-ci regarda son GPS :

– Il m’en reste dix-neuf.

Il sauta dans le lac, conscient que ça allait neutraliser son invention électronique. Il ne voulait pas que Giacco lui tombe dessus à nouveau. Il plongea dans les profondeurs pour disparaître aux yeux de l’aîné des Cuoresanguinoso. Sid s’enfonça dans l’obscurité du lac Saffro, nageant avec peine. Il devait s’éloigner le plus possible de la rive avant de refaire surface, mais sa blessure le ralentissait. Il devinait le filet de sang volant autour de lui. Il nagea tant bien que mal, essayant d’user de la danse invisible pour gagner quelques mètres. Commençant à manquer d’air, Sid se décida à remonter à la surface. Quand le Protettore émergea, il était déjà bien éloigné de la rive. Il regarda autour de lui et vit que cinq incendies ravageaient des masures, maisons et planques du Val Nessona. Frasca et Shadow avaient fait du beau travail. Il continua à nager en direction de Bialvo sur la rive opposée. Mais la douleur était trop forte, et, après de longues minutes, Sid se laissa dériver, à moitié inconscient en raison du sang qu’il avait perdu. Il sentait les vagues le bercer dans une direction qu’il ne pouvait contrôler. Les lumières des feux se ternirent, s’effacèrent. Puis ce fut le noir total, les ténèbres.

Il se réveilla sur l’autre rive, à un endroit qu’il ne reconnaissait pas. L’Ange Noir cracha un peu d’eau et retira son GPS de son bras. Comme il pouvait s’y attendre, il était fichu. Il sortit aussi son portable de sa poche et le trouva inutilisable. Sa blessure à la poitrine lui faisait très mal, il s’appuya sur un arbre alentour. Il s’était échoué à l’orée d’une forêt. Il regarda autour de lui, il était à l’embouchure d’une rivière. Sid se trouvait sur la rive nord de l’endroit où la Stregarossa se jetait dans le lac Saffro. Selon les livres, c’était à cet endroit que vivaient les fées avant de disparaître. À pied et dans son état, Sidney allait mettre des heures avant de rejoindre le Fort. Il leva son épée qui était restée accrochée à sa ceinture et dit :

Screaming Fireworks !

« Ta fin est proche ! »

 

Il ne lui restait plus qu’à espérer que ce soit un de ses alliés qui le repère. Il s’affala sur la rive, pestant :

– À quelques secondes, cette guerre était finie. Sidney, tu es un incapable.

Avant de rire :

– Giacco s’est bien fait niquer pour le coup !

Les pierres de la rive était tachées de son sang, mais Sid trouva le moyen de rire et de sourire, heureux d’être en vie, et que sa mission ait été un succès. Il se murmura à lui-même :

– Mon gars, tu es enfin guéri. Faudra arroser ça.

Affabli, l’Ange Noir se sentait divaguer. Il faisait chaud, le soleil était haut dans le ciel nessonien. Il devait être plus ou moins midi. Les minutes passaient et personne ne venait. Le soleil poursuivait sa course, indiquant le temps qui s’écoulait. Sid sentait son sang continuer à couler, il allait à nouveau perdre connaissance quand une femme vêtue de blanc lui apparut devant les yeux. Elle portait un voile devant les yeux. Sid crut d’abord qu’il s’agissait de Frasca, mais la femme ne portait pas d’armure, et marchait pieds nus. Il ouvrit les yeux plus grand et nota ses cheveux argentés, presque blancs. La femme posa sa main sur sa blessure. Ce fut comme si le sang se glaçait sur son torse, mais la douleur se tut. Elle mit sa main sur le nez cassé de l’Ange Noir et il sentit l’os se remettre en place. La femme tourna les talons, Sid se releva et tenta de la retenir en demandant :

– Qui êtes-vous ?

La mystérieuse femme tourna son visage dissimulé par le voile blanc et répondit d’une voix éthérée, presque irréelle :

– Je suis celle qui t’a soigné.

– Je le sais ça, et je vous en suis reconnaissant, mais quel est votre nom ?

– Je ne te le dirai pas, Sidney Bloodheart, Ange Noir. Tu as à tes côtés des personnes que mon existence risque de bouleverser.

– Vous êtes Thanata ?

« Giacco s’est bien fait niquer pour le coup ! »

 

La femme hocha la tête :

– Thanata est une amie. Je t’ai soigné au nom de notre amitié.

Sid vit une épée similaire à celle de Conisciu à la ceinture de la femme vêtue d’une magnifique toge blanche. Il la dévisagea :

– Vous êtes un Ange !

Sans un mot de plus, l’Ange mystérieux disparut dans la forêt. Le Protettore se jeta à sa poursuite, mais il ne parvint pas à la retrouver. C’est alors qu’Alberto apparut entre les arbres et se jeta sur son descendant :

– Ils te croyaient mort. Tu as disparu depuis deux jours, je leur avais dit que nous le saurions si tu étais mort. Tu ne réponds plus à ton téléphone ? Et ton GPS-Radio-Machin ?

Sid ricana :

– Si tu étais si sûr que j’avais survécu, pourquoi es-tu en train de me broyer les côtes ?

Alberto éluda la question en répondant :

– Un père n’a pas besoin d’excuse pour serrer un fils dans ses bras.

Sur le trajet, Sid raconta à Alberto ce qui lui était arrivé. Le vampire était particulièrement intéressé par l’inconnue à l’épée angélique.

– Que tu aies frappé un grand coup contre Giacco, on en discute depuis deux jours. On ne parle que de ça et de ta mort potentielle. Même les mortels sont conscients qu’une guerre fait rage, il faut dire que les feux de joie allumés par Frasca et Felicia ont fait leur effet. Je sais qui t’a soigné et pourquoi elle ne voulait pas te dire son nom. Les Anges ont tendance à vouloir éviter que j’intervienne dans leurs affaires, mais j’étais persuadé que seuls Thanata et Nabero avaient survécu à la Guerre Angélique, en dehors de ceux qui sont prisonniers de l’Ange de la Mort. Tu as rencontré Wiggia, l’Ange de la Magie et de la Vie, qui est également un des huit esprits que vénère la tradition saffrese.

– C’est donc toi qui, selon elle, pourrais être bouleversé par son existence ?

– Oui, et je le suis. Si Wiggia est dans les parages, c’est qu’elle sait que quelque chose se prépare. Peut-être le retour d’un de ses peuples. Elle a créé les sorcières et aidé Conisciu, son frère, à donner vie aux fées. À moins que ce soit pire que ça. Je serais sûrement arrivé à temps pour éviter que tu ne te vides entièrement de ton sang, mais ça aurait été un calvaire de te traîner jusqu’au Fort. Je suis choqué de savoir que des Anges ont survécu sans que je le sache.

« Thanata est une amie. Je t’ai soigné au nom de notre amitié »

 

– Les sorcières n’ont jamais disparu, remarqua Sid.

– Pas vraiment, mais leur culture oui, avec la chute de Treghia. À moins qu’un groupe de survivantes cachées ne décide de pointer le bout de son nez. Les fées, j’en suis convaincu, reviendront, mais je ne pense pas que Wiggia aurait pris le risque de se montrer si ce n’était que ça. L’orage approche, une page de l’histoire risque de s’inscrire en lettres de sang.

Ils marchèrent jusqu’au Fort. Sid fut accueilli en héros par tout son peuple. Il leva le poing en signe de triomphe avant de s’exclamer devant ses vampires :

– Nous avons montré aux traîtres que nous ne sommes pas des chiots effrayés, mais une meute de loups prête à leur faire payer la Guerre des Cœurs Sanglants. La victoire est à nous !

Il convoqua le Conseil des Six et, après avoir eu droit à des accolades de chaque chef, celle de Vittoria étant la plus longue, celle de Rosanna la plus courte, il eut droit à un rapport.

– Une dizaine des hommes de Giacco ont été tués lors du raid de l’autre nuit, fit Rosanna. De plus Enzo Maninere est mort dans un des pièges du caveau d’Oscuro. Notre razzia a effrayé certains vampires de Giacco, qui nous ont rejoints. Je dois dire que ton invention a été la clé de notre réussite.

– Il faudrait penser à lui donner un nom, dit Alberto, ce machin est bien plus qu’un simple GPS, du genre VampirePad.

– Très bien, va pour VampirePad, je ne suis pas doué pour nommer les choses, fit Sid. En abrégé ça fera VamPad.

Vittoria s’éclaircit la gorge :

– En parlant de ces « VamPads », le tien a cessé d’émettre après que Giacco nous a attaqué. On t’a cru mort, tu étais inatteignable même par portable.

– J’ai plongé dans le lac quand ma danse invisible s’est terminée, avant celle de Giacco qui a pu me porter un sale coup au torse. Les informations de mon VamPad ont été transmises aux dix-neuf autres. Je compte d’ailleurs récupérer les vôtres à la fin de la guerre, en plus de radio et de GPS, je compte y ajouter d’autres fonctions. Je vais aussi former quelques vampires à l’électronique. Sur le moyen terme, chaque vampire devrait avoir le sien et pourquoi pas également les autres nocturnes. Enfin bref. Il nous reste Rino, Gina et Giacco à abattre. Je vais prendre un nouveau VamPad et me rendre chez moi, voir comment se porte notre sixième chef de clan. Mais avant, je voudrais savoir comment se comportent les Lunascura.

Alberto se gratta la nuque :

– Il y en a trois qui se battent en permanence pour savoir qui sera le chef de clan, je les ai mis aux cachots pour un ou deux jours. Mais bon, un Lunascura a, par définition, la tête dure comme un caillou, rien n’y rentre à moins de l’y faire entrer à coups de marteau-piqueur. Le traitement de Valeria durera encore quelques jours, je devrais pouvoir les gérer pendant ce temps-là.

« Nous avons montré aux traîtres que nous ne sommes pas des chiots effrayés, mais une meute de loups prête à leur faire payer la Guerre des Cœurs Sanglants. La victoire est à nous ! »

 

Sid quitta son Conseil pour se rendre à Capriggio. Quand il entra chez lui, il vit Valeria en discussion avec l’Ancien. Elle semblait faible, mais était capable de se tenir assise sur une chaise.

– Lino était donc une sorte de Protettrice officieuse pendant le ministère de Nox, faisait la mage.

– En quelque sorte, elle dirigeait la communauté nocturne, vu que Nox était un solitaire, répondit le vieux. Son autorité était due aux investissements vampires pour reconstruire la Vallée après la Grande Guerre. Les elfes devaient beaucoup aux vampires et les clients de la Croce Nera également. C’était Lino qui s’occupait des litiges entre nocturnes en dehors des politiques des trois grands peuples qui étaient du ressort de leur chef : Alberto chez les vampires, Vallena, la reine de Treghia et Lepjöl, Darinji et Pjefä qui se sont succédés sur le trône des elfes, bien que ceux-ci étaient à la botte des vampires, en théorie. Ces peuples avaient un accord : ne jamais se battre les uns contre les autres sauf à la demande de l’Ange Noir, comme ce fut le cas sous Salvatore. C’était ce qu’on appelait l’Union Nessonienne. Elle fut souvent bafouée, certains peuples ayant nui à d’autres en secret, mais elle fut annulée en 1689, quand Lino refusa un accord économique avec les sorcières et que vampires et sorcières sont entrés en guerre. Quand on tire trop sur la corde, elle finit toujours par lâcher.

Sid s’assit avec eux :

– Alberto a des anecdotes sur l’histoire des vampires, par exemple que telle ou telle reine sorcière avait un gros derrière, ou que tel ou tel Ange Noir était un crétin. Je vois que tu commences à aller mieux.

Valeria le prit dans ses bras :

– On m’a raconté que tu avais disparu, je suis contente de te voir.

– Pour ma part, fit l’Ancien, j’ai appris que mon élève avait frappé très fort, je suis on ne peut plus fier de toi.

– Les vampires vont se tenir à carreau pendant quelques jours, dit calmement Sid. De plus, notre démonstration de force est la réaction que les exorcistes attendaient. Quand Valeria sera prête, Alberto lui apprendra les techniques des chefs de clan, et nous attaqueront les catacombes.

– Viendra ensuite la Fête des Peuples Perdus, conclut l’Ancien, où nous pourrons célébrer le retour des vampires dans la communauté nocturne. Elle a lieu en général à la fin août, mais vu les circonstances, nous pouvons la repousser à la première semaine de septembre.

Pour la première fois, une discussion ne laissait planer aucun doute sur la victoire finale des loyalistes. Sid passa la journée avec Valeria à lui apprendre ce qu’il savait sur les vampires.

« Alberto a des anecdotes sur l’histoire des vampires, par exemple que telle ou telle reine sorcière avait un gros derrière, ou que tel ou tel Ange Noir était un crétin »

 

Quand il se prépara pour se rendre à la Croce Nera, pour voir l’état dans lequel le bar était et, si besoin, aider Camilo, Valeria s’approcha de lui et murmura :

– Merci d’avoir passé ta journée avec moi et merci d’être en vie.

Elle lui sourit, dévoilant des dents devenues légèrement pointues, et alla se coucher.

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