Chapitre 27

– Frasca, tu es prête ?

La voix lointaine de Sid dans le VamPad résonnait dans l’oreille de Frasca. Elle se tenait debout devant deux canons elfes. Elle jeta un œil à sa ceinture, hérissée de couteaux de lancer et où était accrochée son épée blanche. La sorcière avait enfilé un plastron à la place de son corset en cuir, pratique pour de petites mêlées ou pour des affrontements désorganisés. Elle souffla. Les batailles, elle les connaissait, elle avait souvent revêtu ce plastron en acier, ces épaulières, ces bottes en métal blanc et ces genouillères marquées du flocon de neige, son emblème. Frasca portait aussi à sa ceinture un bocal avec une bougie et une flasque d’eau : la Magie des éléments pouvait amplifier ceux-ci, pas les créer à partir de rien. Elle se murmura :

– Ne pas hésiter, eux ne le feront pas. Ils se tapissent dans l’ombre, garde ton bouclier en alerte. Tu as été entraînée pour les tuer, tu es née pour les tuer, tu es leur pire cauchemar.

– Frasca ?

Frasca approcha le VamPad de sa bouche et dit sèchement :

– Dès que la dernière étoile disparaîtra, ces vampires vont se souvenir de qui je suis.

Elle ne pouvait pas voir la constellation du Bouclier, de nombreuses montagnes se tenant entre elle et le Monte Friccio. Sid lui dit d’une voix empreinte d’anxiété :

– Elle vient de disparaître, bonne chance et fais attention à toi !

Frasca ricana intérieurement. Elle avait déjà eu fait face à une centaine de vampires sur des champs de batailles, elle survivrait à cette nuit, elle le savait. Ce n’était pas plus terrible qu’une simple mission de reconnaissance à l’époque où sa simple vue suffisait à faire trembler un chef de clan. C’était la dernière fois qu’elle allait être la Tueuse de Vampires et elle allait en profiter, se faire plaisir. Elle s’élança dans les catacombes après avoir dit un vague :

– À tout à l’heure, Sidney !

Elle ressentait un frisson perdu depuis des siècles, l’adrénaline d’une sorcière allant affronter ses ennemis naturels. Elle regarda quelques fois le plan du Labyrinthe afin de ne pas tomber dans un piège posé par le Conseil de Sidney. Elle entendit des bruits de pas lointains, son instinct repérait les vampires dans les sombres couloirs.

Ne pas hésiter, eux ne le feront pas. Ils se tapissent dans l’ombre, garde ton bouclier en alerte. Tu as été entraînée pour les tuer, tu es née pour les tuer, tu es leur pire cauchemar »

 

Son sang battait, la dirigeait dans le Labyrinthe à la recherche d’un nid, d’un groupe de vampires afin qu’elle montre que la Sorcière Blanche était là, prête à rappeler qui elle était. Au coin d’un couloir, elle put sentir de la peur: quelqu’un l’avait repérée. Elle entendit un vampire dire à un autre :

– Je suis sûr de l’avoir vue ! La Sorcière Blanche est dans les catacombes !

Une autre voix, plus traînante et moqueuse répondit :

– Tu as halluciné. Seule, elle n’oserait pas venir.

– C’est que tu ne la connais pas, fit le premier, j’ai combattu lors de la guerre contre Treghia.

Frasca, consciente d’être sur écoute, étouffa le micro du VamPad avec la paume de sa main. Elle jeta un coup d’œil à l’angle du couloir pour voir les vampires. Ils étaient trois, mais elle voyait plusieurs de leurs congénères passer derrière eux, ricanant ou discutant inconsciemment. La sorcière prêta l’oreille aux dires du vampire qui l’avait aperçue, elle adorait entendre la crainte qu’elle inspirait à ce peuple :

– Je l’ai vue, de mes yeux vue, au milieu d’une cinquantaine de vampires, encerclée, acculée, on pensait qu’elle allait sûrement tomber, mais elle les a tous tués. Elle pourrait nous massacrer un à un si il lui en prenait l’envie.

Le troisième membre du groupe dit fermement :

– On a une information disant que les loyalistes préparent un coup. Si Frasca est bien là, il faut en informer Giacco.

– Et si elle n’est pas là, il te fera regretter de lui avoir fait perdre son temps, fit le vampire moqueur.

La sorcière sortit de son coin. Après s’être débarrassée de son VamPad, ne voulant pas qu’on abrège son plaisir, et fonça sans crier gare sur les vampires. Première règle qu’elle avait apprise, les vampires étaient rapides grâce à une ossature plus légère, il fallait frapper fort pour les immobiliser. Elle attrapa un des vampires et lui broya la cage thoracique avec la paume de la main. La réussite de sa frappe lui fut confirmée par le sang giclant de la bouche de sa victime. Deuxième chose, les vampires étaient lâches, ils allaient appeler au secours. Voyant des renforts arriver à la suite du cri mêlant surprise et horreur d’un des vampires, Frasca attrapa deux couteaux de lancer et les fit voler droit dans les visages des ennemis accourant.

– Sonnez l’alerte !

« Je l’ai vue, de mes yeux vue, au milieu d’une cinquantaine de vampires, encerclée, acculée, on pensait qu’elle allait sûrement tomber, mais elle les a tous tués. Elle pourrait nous massacrer un à un si il lui en prenait l’envie »

 

La sorcière empoigna d’autres couteaux et en lança un dans la nuque du vampire courant vers la cloche accrochée au mur une dizaine de mètres plus loin. Le second couteau trancha la corde du carillon, rendant l’alarme impossible, à moins de courir vers la cloche suivante sûrement à cinq minutes de là. Elle grogna :

– Vous n’allez pas gâcher ma petite fête en alertant les autres, n’est-ce pas ?

Elle utilisa un couteau pour trancher la gorge d’un ennemi. Troisième règle de la chasse au vampire, ne sortir son épée qu’en dernier recours; le plaisir durerait plus longtemps. Frasca fracassa le crâne d’une vampire d’un coup de pied et donna un coup de tête sur le nez d’un autre. Elle lança encore deux couteaux dans le cœur et l’œil d’un vampire pas assez vigilant.

– Allez, bande de ramassis d’ordures et de déchets, dans mes souvenirs, je prenais un minimum de plaisir à vous massacrer, vous vous êtes ramollis ma parole !

Elle usa du feu dans le bocal à sa ceinture pour brûler vif un autre vampire. Elle en prit un autre par la gorge et serra le cou si fort qu’elle le lui brisa, avant de le laisser tomber tel une poupée de chiffon. Elle entendit au loin des cloches d’alarme, sortit son épée et décrocha son bouclier :

– Les choses sérieuses commencent !

 

Devant le tombeau d’Oscuro, le Conseil des Six s’agitait. Sid s’exclama :

– J’en étais sûr, elle n’en fait qu’à sa tête ! Elle a jeté le VamPad !

Il avait une oreillette connectée à un micro pour rester en communication avec Alberto. Il lui fit part des derniers événements qu’il avait suivis avec la caméra du VamPad abandonné par Frasca.

– Tu as bien mis un mouchard sur son bouclier? demanda Alberto.

– Bien sûr, je suis un Cuoresanguinoso, je suis prêt pour chaque éventualité.

Il connecta son VamPad sur les fréquences de ceux des chefs de groupes :

– Frasca n’est plus indiquée par le point rouge sur la carte mais par le point blanc se dirigeant en direction du sud. Nous entrons dans les catacombes par l’entrée du cimetière de Capriggio.

Niccolò semblait effrayé :

– Pourquoi n’entre-t-on pas par l’embouchure de la rivière souterraine ?

– Parce que c’est trop prévisible, c’est là que Giacco nous attendra, mais il se retrouvera face à une rangée de canons qui feront s’effondrer cette entrée avant même qu’il ne puisse songer à fuir, dit Sid.

L’elfe qui dirigeait les trois canonniers se trouvant devant le tombeau était la sœur de Gürk, Joküla. Dans son armure, elle semblait relativement grande, mais en réalité, elle était plus petite que la plupart des vampires.

« Allez, bande de ramassis d’ordures et de déchets, dans mes souvenirs, je prenais un minimum de plaisir à vous massacrer, vous vous êtes ramollis ma parole ! »

 

Elle dit froidement à Sid :

– J’ai accepté le prêt de mes canons parce que Gürk m’a promis que ça valait le coup. Autant vous dire que je ne partage pas son affection pour vous. L’autre jour à l’Assemblée, vous avez démontré fort peu de courtoisie. Ne me faites pas regretter notre collaboration.

Sid répondit :

– De même.

Massimo sortit une petite boîte de sa poche et l’ouvrit : elle était pleine de suie. Il expliqua :

– J’étais jeune lors de la guerre entre Lino et Giacco, mais je me souviens de cette tradition. Avant chaque bataille, les vampires se passent les doigts pleins de suie sur le visage pour se marquer. C’est un acte de communion et d’identité. Chaque vampire décide du motif de son maquillage. Lino avait l’habitude de dessiner deux lignes horizontales reliant ses deux oreilles et passant sur ses yeux, par exemple. Mon père se faisait une petite marque sur le menton sous la lèvre. Pendant que nous sommes là, nos alliés et protégés font de même au Fort. Par le rituel de la suie, nous communions avec eux.

Sid demanda :

– Et Alberto, c’est quoi sa marque ?

– Il n’en a pas, il considère que son visage est trop beau pour être taché et qu’il fait assez peur comme ça, répondit Massimo.

Sid plongea ses doigts dans la suie et les passa verticalement sur les yeux, se faisant deux lignes partant d’au-dessus des sourcils et finissant au milieu de sa joue. Il regarda ses compagnons faire de même, chacun à sa manière. Après cela, l’Ange Noir tendit à ses conseillers des bulles de verre à placer devant la bouche et les narines, des masques à gaz de son invention.

– C’est pour quoi faire ? demanda Rosanna.

– J’ai inventé un gaz dérivé du Venin, une sorte d’antidote imparfait. Il ralentit les vampires et les affaiblit. Je compte m’en servir contre les chefs de clan. Dans le cas où nous serons séparés, je vous remets à chacun une grenade contenant ce gaz anti-vampire.

Il leur donna les armes et ajouta :

– On fonce jusqu’aux catacombes, verrouillez vos esprits! Oscuro erre encore dans le coin sous la forme d’une âme damnée et il peut vous infliger des tourments dont vous n’avez pas idée. Allons-y !

 

« Pendant que nous sommes là, nos alliés et protégés font de même au Fort. Par le rituel de la suie, nous communions avec eux. »

 

Alberto communiqua à tous les VamPads :

– Conseil des Six dans le jeu. Groupes de soutien, préparez-vous à intervenir une fois que le contact avec les cibles sera établi. On va ouvrir cette foutue porte et leur botter le cul !

Sid dirigea le Conseil des Six à travers les premiers niveaux du caveau maudit. Ils devaient agir vite, mais également faire preuve de discrétion pour ne pas être les cibles de ce qui vivait dans le tombeau. Sid put apercevoir la petite lueur, semblable à une minuscule étoile, qu’était l’esprit du Protettore Maudit. Il vit Vittoria pâlir, l’esprit ayant décidé de s’en prendre à elle. Sid se jeta vers elle et la saisit par le bras pour la pousser à l’avant du groupe. Ils devaient avancer, Frasca se trouvait à quelques kilomètres, en dessous de Volpino. À ce qu’ils avaient vu, la sorcière pouvait tenir durant plusieurs heures dans ces conditions. Une détonation fit trembler le sol. Le Conseil des Six comprit que l’accès de la rivière souterraine venait d’être condamné par les elfes. Les fuyards allaient devoir se rabattre sur les autres accès du Labyrinthe. Une fois sorti du caveau par l’aile donnant sur les catacombes, Sid informa Alberto :

– Conseil des Six prêt ! Foncez !

Un amas de VamPad symbolisés par de minuscules points rouges se projeta dans les catacombes en direction du point blanc représentant Frasca. Sid orienta ses vampires à travers les ténèbres dans la même direction. Ils virent que plusieurs pièges avaient été activés, certains étant dotés d’un émetteur informant de leur activation, la résistance devait être amoindrie. Ils coururent un long moment en direction de la Sorcière Blanche. Ils purent constater que les Nottebella s’étaient ralliées à leur cause, un brassard rouge au bras, et qu’elles combattaient leurs anciens alliés. Ils croisèrent un groupe de fuyards tentant d’échapper à la bataille. Ils étaient cinq, des jeunes et des vieux. Le Conseil des Six leur coupa la route, Sid remarqua qu’ils n’avaient pas sorti leurs épées et semblaient terrifiés. Alors que Rosanna allait attaquer, Jester para son épée avec Kustu. Il regarda les vampires en cavale et leur dit :

– Vous avez plus peur de nous que de Giacco, pour oser fuir.

Une vampire, les cheveux noués en une longue tresse opina du chef. Sid s’approcha d’eux :

– Avez-vous tué au nom de Giacco ?

« Conseil des Six dans le jeu. Groupes de soutien, préparez-vous à intervenir une fois que le contact avec les cibles sera établi. On va ouvrir cette foutue porte et leur botter le cul ! »

 

Deux vampires acquiescèrent, les autres hochèrent la tête pour répondre par la négative. Sid fit aux deux vampires ayant répondu à sa question positivement :

– Vous, vous allez expier vos erreurs en combattant avec nous. Les autres, des dortoirs vous attendrnt à Fort Cuoresanguinoso quand la bataille sera terminée. En attendant…

Il prit des brassards rouges dans une de ses poches :

– Vous allez à la Croce Nera et vous dites au barman que vous êtes sous ma protection.

Il tendit deux bandes de tissu aux deux autres vampires :

– Votre chance de faire partie du futur de notre peuple.

Ils se regardèrent, c’étaient un homme et une femme. La jeune vampire à la tresse, qui avait répondu par la négative, s’exclama :

– Par pitié, ne forcez pas mon père à se battre ! Il est tout ce qu’il me reste !

Sid ne broncha pas. L’homme baissa les yeux et murmura :

– Rien de ce que j’ai pu faire ne sera reproché à ma fille ?

– Rien. Et à vous non plus, si vous nous rejoignez, promit Sid.

– Le Fort est-il aussi beau que dans mes souvenirs ?

Massimo dit calmement :

– Bien plus beau.

Le père s’agenouilla devant sa fille :

– Sera, tu mérites ce qu’il y a de mieux. Et si ce Conseil t’offre l’opportunité de vivre ce que j’ai pu vivre, suis-le. Lino a peut-être usurpé la place de son frère, mais qui choisir entre un imposteur et un tortionnaire ?

– Celui qui est honnête, fit la jeune vampire.

– C’est ce que je crois aussi. Lino est mort, une nouvelle page va s’écrire. Et dans ce chapitre, je crois qu’il faut savoir quand le vent tourne, et clairement pour nous, il vient de le faire.

Il se tourna vers Sid et dit :

– Je suis Illario Nosferi et mon épée est votre.

La femme, elle, refusa le brassard :

– S’il faut se battre, je le ferai pour le vrai chef du Conseil, fit-elle en crachant sur les pieds de Sid.

Les trois vampires épargnés s’enfuirent. Et Illario, sans crier gare, tua la vampire ayant refusé l’offre du Conseil des Six. Les vampires de Giacco devaient être sans état d’âme au combat, après tout, ils étaient dirigés par un militaire. Cet acte révolta le Conseil des Six, tant il fut soudain et brutal. Sid fit signe de poursuivre la route, mais il dit au nouveau membre de la compagnie :

– Avec moi, pas de meurtre de sang froid, cette femme aurait pu avoir droit à un jugement équitable. Elle a peut-être tué dix fois moins de personnes que toi.

Le vampire répondit froidement :

– C’est vous le chef. Mais répondez-moi franchement, si je ne l’avais pas tuée, qu’auriez-vous fait ? Vous l’auriez confiée aux autres ? Vous l’auriez traînée de force dans la bataille ? Ou l’auriez-vous jugée sur-le-champ, perdant du temps qui est une denrée précieuse durant un conflit ?

Sid se tut. Illario mettait le doigt sur un facteur que l’Ange Noir n’avait pas envisagé.

– Quand tout ça sera fini, les règles seront différentes, fit simplement Sid.

– Vous avez peu d’expérience de la guerre, Bloodheart, vous êtes trop bon, pas assez avili par le sang.

« Le Fort est-il aussi beau que dans mes souvenirs ? »

 

Il indiqua un raccourci au Conseil des Six qui surgit, enfin, au milieu de la bataille dans le dos des hommes de Giacco faisant face à Frasca. Elle avait déjà été rejointe par les troupes de Fort Cuoresanguinoso, dont le chemin était plus court jusqu’au conflit que celui du Conseil des Six. Sid hurla à Rosanna et Massimo, les deux combattants les plus aguerris du Conseil :

– Repérez les chefs de clan et tentez des les isoler, je me charge de Giacco.

Il se tourna vers Valeria :

–  Couvres nos arrières et garde un œil sur Vittoria et Niccolò.

C’était le chaos, mais rien de comparable à la boucherie qui lui avait été contée quand les troupes de Lino avaient foncé à travers le Labyrinthe. Les combats se situaient dans un périmètre restreint le long d’un large couloir, se dispersant dans les corridors environnants. Sid repéra sans problème Shadow aux flammes dansant autour de ses poings et de son épée. Il chercha du regard l’Ancien, Zjök et Frasca. Il vit Wanda aux prises avec Gina Nosferi. À travers les couloirs jonchés de cercueils et de cadavres, reliques de la première bataille des catacombes, les jeunes loyalistes et leurs aînés semblaient faire jeu égal avec les vampires de Giacco pourtant plus robustes et plus expérimentés. Sid signala l’arrivée du Conseil en lançant :

Screaming Fireworks !

Son but était d’attirer l’attention de Giacco, afin de le confronter devant tout le monde. Sid se fit un chemin dans la mêlée, tranchant la gorge d’un vampire des catacombes à deux doigts d’exécuter un jeune loyaliste, transperçant le cœur d’un coup de lame rétractile d’un ennemi tentant de le prendre en traître. Il trouva Zjök combattant avec un bâton muni d’une lame à son bout. L’elfe semblait se porter comme un charme, son sourire lunaire donnant l’impression qu’il ignorait se trouver au milieu d’un champ de bataille. Il repéra Rino, le colossal chef de clan, quand celui-ci se fit charger par Massimo qui devait faire deux têtes de moins que lui. Les chefs des Luzzianese se battaient en duel.

« Vous avez peu d’expérience de la guerre, Bloodheart, vous êtes trop bon, pas assez avili par le sang »

 

Mais Sid ne devait pas se laisser distraire. Le Protettore put apercevoir du coin de l’oeil quelqu’un tomber là où Wanda et Gina se battaient. Lorsqu’il vit un vampire sauter sur Niccolò, l’Ange Noir fit demi-tour pour sauver son chef de clan. Mais à peine fut-il arrivé vers le Maninere qu’il le remarqua, les yeux écarquillé, l’ennemi embroché sur son épée. Jester lui tapa sur l’épaule :

– Il faut une première fois à tout, reste en retrait.

Toujours surpris, mais avec une once de fierté, Niccolò alla se mettre à l’abri dans le coin d’un couloir. Sid leva la tête et aperçut que Gina se battait désormais contre Rosanna, il en déduisit que Wanda était tombée. Massimo, appuyé par Shadow, affrontait toujours Rino. Il finit par repérer Giacco, mais quand il le vit, ce ne fut pas la satisfaction de trouver sa cible qui le prit mais la colère. Au moment où l’aîné des enfants d’Alberto entrait dans le champ de vision de l’Ange Noir, il plantait son épée dans le torse de l’Ancien avec un rictus cruel. Giacco donna un coup de pied dans le corps sans vie du vieil homme, qui s’écroula sur le sol poussiéreux des catacombes. Frasca surgit de nulle part et sauta à la gorge du vampire, sa peau rosie par la colère. Giacco ricana :

– Cela faisait longtemps, Frasca la Blanche !

La sorcière et le vampire entreprirent un face-à-face acharné. Sid s’élança en jetant une de ses grenades anti-Venin. Il enfila son masque, comme autour de lui les autres loyalistes à qui Shadow et Alberto avaient également distribué des protections contre le gaz. Un brouillard rougeâtre envahit les couloirs sombres des catacombes. Sid arriva dans le dos de Giacco, persuadé de pouvoir le prendre par surprise, mais le vampire s’empara d’une épée sur le sol de sa main libre et contra la lame rétractile de l’Ange Noir. Il se battait désormais avec deux épées. Sid put constater que, malgré son apparence chétive, voire maladive, la réputation de guerrier endurci de Giacco n’était pas usurpée. Il fit danser ses épées autour de lui pour déséquilibrer ses deux adversaires, profitant au passage pour tuer un loyaliste à proximité. Frasca dévia une des épées avec son bouclier et Sid se baissa, tentant de faire un croche-pied à son adversaire, qui tint bon et envoya son genou dans la mâchoire de l’Ange Noir qui fut mis au tapis, à proximité du corps de l’Ancien. Frasca tenta de bombarder Giacco de boules de feu que celui-ci dévia avec ses lames, sans même sourciller. Il allait user de la danse invisible pour frapper Frasca, Sid se prépara à se relever pour s’interposer. Se libérant de entraves du temps, il chargea Giacco qui se déplaçait de manière à porter un coup fatal à la sorcière. L’épaule de Jester percuta de plein fouet le menton de son adversaire qu’il écrasa contre un mur. L’Ange Noir plaqua son bras en travers de la gorge du vampire et pressa. Giacco eut un rictus mauvais :

– Si tu savais ce que je sais sur ta petite sorcière bien-aimée, tu m’aurais laissé la tuer.

Sid pressa plus fort et cracha :

– Tout ce qui sort de ta bouche ne peut être que mensonges et calomnies.

Loin de se débattre, son adversaire lui adressa un regard malicieux, le même qu’il avait pu voir dans

les yeux d’Alberto.

– Allons Sidney, ne mens pas à un menteur. Tu sais que Frasca n’est de loin pas aussi blanche que son surnom ne le laisserait croire. Tu veux vraiment me tuer avant que je te révèle son secret ?

Le temps d’hésitation que marqua Sid lui fut presque mortel. Giacco lui envoya son genou dans l’entrejambe, et si la grenade n’avait pas ralenti le frère de Lino, il aurait tranché la gorge de Jester. Le temps reprit son cours et Frasca fonça sur les deux vampires. Giacco évita la charge mais, de surprise, Sid n’eut pas le temps d’esquiver et les deux alliés se rentrèrent dedans. Giacco s’approcha triomphant :

– Pathétique.

Sid et Frasca se débattaient pour se relever, mais l’armure de la sorcière pesait un certain poids et entravait certains mouvements. Giacco sourit, un sourire malsain, son visage tordu, presque rendu difforme par cette expression si inhabituelle. Sid souffrait toujours du mauvais coup qu’il avait pris entre les jambes. Le vampire s’exclama :

– La Sorcière Blanche et le descendant de Lino à ma merci, on se croirait dans un rêve, n’est-ce pas ?

Quelque chose tomba devant les pieds de Giacco. Une tête tranchée, celle de Gina.

– Massimo va vaincre Rino et tu seras seul, traître, fit la voix dure et déterminée de Rosanna. Ce que tu qualifies de rêve va devenir ton pire cauchemar quand tu feras face au jugement du Conseil des Six.

Sid leva les yeux et vit la cheffe des Nottebella ainsi que Valeria faire face à Giacco. Il siffla :

– Comment la mage peut-elle être une cheffe de clan et posséder nos capacités ?

Sid se relevant tant bien que mal avec l’aide de Frasca répondit :

– Le Venin, un petit cadeau de Lino.

« Si tu savais ce que je sais sur ta petite sorcière bien-aimée, tu m’aurais laissé la tuer »

 

Giacco prit Sid par la gorge :

– Vous autres, prétendus loyalistes, êtes décidément irrécupérables. Vous aviez entre les mains de quoi créer une armée capable de balayer la mienne et vous ne l’avez pas fait !

Sid toujours à bout de souffle grogna :

– Parce que je ne suis pas comme toi. Je ne veux pas que les vampires dominent la Vallée, je veux qu’ils vivent avec les autres.

– C’est ce que Lino et toi n’avez jamais compris: c’est notre destin de régner sur le Val Nessona. Vous menez notre peuple à sa perte avec vos idéaux. Au moins, Lino n’a jamais eu l’audace de s’allier avec la pire ennemie de notre p…

Frasca lui fracassa son bouclier sur le crâne. Sid reprit pied. Valeria accourut auprès de lui et posa une main sur son front en marmonnant une formule de soin. La douleur s’évanouit et Sid se jeta sur Giacco. Il sortit une grenade anti-Venin de sa poche et la dégoupilla sous le nez de son « oncle ».

– Qu’est-ce que c’est que cette sorcellerie ?

– Ma contribution à notre peuple, répondit Sid en la laissant exploser au visage de Giacco.

Le vampire tituba et Sid en profita pour lui planter Kustu dans le flanc, le blessant grièvement. Se libérant avec peine des chaînes du temps, Giacco prit la fuite. Alors qu’il allait se jeter à sa poursuite, il y eut une sorte d’ahurissement collectif. Sid se retourna et vit Massimo la pointe de l’épée sur la gorge de Rino se trouvant au sol. La chute du colosse avait absorbé l’attention des combattants des deux camps. Massimo demanda à son adversaire vaincu :

– Je te laisse une chance de te joindre à nous, tu es un bon guerrier et tu pourrais nous être utile.

Rino rétorqua de sa voix semblable au mugissement d’un buffle :

– Plutôt mourir que de m’allier à toi, fils de mortelle !

Massimo planta son épée dans la gorge de Rino. Les vampires des catacombes cherchèrent Giacco des yeux en vain. Sans chefs de rang noble, ils laissèrent un à un leurs armes tomber aux pieds des vainqueurs et se mirent, par réflexe, à genoux les mains derrière la tête, en signe de soumission. Sid put remarquer que Frasca marmonna pendant de longues secondes. Elle répétait son sort de tabou sur les vaincus, enterrant son secret. Elle allait sûrement faire de même avec les vampires que le Conseil des Six avait envoyés à la Croce Nera. Malheureusement pour lui, Sid n’avait pas le temps de se battre avec la sorcière, Giacco avait pris de l’avance et comme il l’avait dit lui-même : tant que les deux rois étaient encore en jeu, la partie n’était pas finie.

« C’est ce que Lino et toi n’avez jamais compris: c’est notre destin de régner sur le Val Nessona »

 

De plus, tuer Giacco était une affaire personnelle à ses yeux. Il était trop tard pour empêcher Frasca de finir son incantation, mais pas pour abattre un Giacco empoisonné et blessé. Sid avait eu l’intuition que le vampire allait prendre la fuite, il avait placé un mouchard sur lui quand il l’avait acculé. L’Ange Noir regarda son VamPad et s’élança à la poursuite de celui qui avait incarné ses pires cauchemars pendant des années.

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