Chapitre 18

– Il lui ressemble comme deux gouttes d’eau !

– Mais non, Lino était moins grand et bien plus élégant.

– Tu rigoles ? C’est sa copie conforme.

– Le type avec les cheveux longs, c’est le fameux Alberto Cuoresanguinoso ?

Une foule d’une cinquantaine de vampires s’était précipitée à leur rencontre après que Vittoria ait annoncé l’arrivée d’Alberto et de Jester. Ils avaient mis trois heures avant d’atteindre dans une sorte de petit hameau sur les flancs du Monte Gattino. Ils étaient entrés dans une des maisons qui, comme Fort Cuoresanguinoso, n’était qu’un leurre, la planque des loyalistes étant un petit réseau souterrain, peu comparable avec l’impressionnante œuvre d’Alberto au-dessus de Spadina. On sentait que la cachette était sûrement trop petite pour le nombre de loyalistes. Beaucoup d’entre eux ressemblaient à des mendiants, les vêtements déchirés, froissés et poussiéreux, la peau couverte de crasse, le visage émacié. Sid sut immédiatement qu’ils seraient bien mieux dans le Fort, où le trésor des Cuoresanguinoso pouvait les nourrir et où ils auraient de la place pour vivre, à condition qu’ils acceptent de le suivre. Il dit à Vittoria :

– Tu m’avais dit qu’ils seraient plus, tu m’avais dit qu’ils étaient un peu moins d’une centaine.

– Il manque pas mal de grandes gueules, ceux qui gèrent un peu cette planque. Beaucoup sont des vétérans ayant participé au massacre des catacombes.

Elle parla à un vampire aux yeux d’une étonnante couleur turquoise, les vampires ayant en général les yeux sombres :

– Où sont les autres ?

– La Borgne est venue faire son rapport. Ils sont avec elle dans la salle de réunion.

Alberto regarda le vampire aux yeux turquoise et dit :

– Je te connais toi, tu avais cinq ans quand je suis parti. Tu es Massimo Luzzianese, le fils de Pietro et d’une paysanne.

Vittoria corrigea :

– Non, c’est bien le fils d’une paysanne et un membre du clan Luzzianese, mais Pietro n’a pas eu de…

– Seul Alberto, Lino et mon père savaient que je suis de lignage noble, coupa Massimo avec une voix douce et calme, inspirant la confiance. Ça aurait été un scandale d’apprendre qu’un chef de clan avait eu un héritier avec une mortelle. Il vient de me confirmer qu’il est bien celui qu’il prétend être. Je vais vous mener à la salle de réunion.

Ils suivirent Massimo à travers d’étroits couloirs, les autres loyalistes sur les talons, qui étaient comme fascinés par les Cuoresanguinoso. Ils arrivèrent devant une porte en bois moisi. Leur guide entra et annonça :

– Le chef du Conseil des Six, Sidney Bloodheart-Cuoresanguinoso, dit Jester, Ange Noir du Val Nessona, ainsi qu’Alberto Cuoresanguinoso, Le Magnifique, et Vittoria Nosferi.

Ils entrèrent dans une pièce où une vingtaine de vampires discutaient debout autour d’une table couverte de livres et de cartes.

« Le type avec les cheveux longs, c’est le fameux Alberto Cuoresanguinoso ? »

La majorité paraissait plus âgée que les vampires les ayant accueillis. Certains portaient des cicatrices au visage, d’autre étaient littéralement amputés. Tous portaient un brassard rouge, à l’exception de Wanda que Sidney avait vue aux côtés de Giacco. Elle rompit le silence qui s’était installé à l’arrivée des Cuoresanguinoso :

– Enfin nous nous rencontrons dans des circonstances moins pénibles que sur le Pont de Saffro, Sidney. Je suis Wanda Nottebella, l’agent double des loyalistes. Je pense que tu le savais déjà, vu qu’à tes côtés se tient le grand Alberto Cuoresanguinoso. C’est moi qui mène les derniers fidèles de Lino depuis la mort de Vilius, tant bien que mal étant donné mon rôle d’espionne.

Sid regarda la vampire dans les yeux. La cicatrice qu’elle avait à l’oeil lui donnait un aspect sauvage; il devinait qu’il valait mieux ne pas l’énerver. Alberto salua certains vétérans qui lui serrèrent la main chaleureusement. Il dit ensuite à Wanda :

– Cesse de tenter de me flatter, je sais très bien que tu ne m’as jamais apprécié. Tu es là pour un rapport, fais-le et retourne à ta couverture.

– Tu n’es plus chef du Conseil, Alberto, tu n’as pas d’ordre à me donner, grogna Wanda, perdant le ton accueillant qu’elle avait utilisé pour Sid.

– Je suis un Cuoresanguinoso, je peux donner des ordres à qui je veux si cela ne va pas à l’encontre de ceux de Sidney.

Un vampire d’apparence plus jeune, portant un vieux manteau déchiré, s’exclama :

– Nous y voilà ! C’est ce que je vous dis depuis des années, pourquoi attendons-nous un signe des Cuoresanguinoso ? Pourquoi continuons-nous à suivre Wanda ? Les sangs nobles sont persuadés que nous devons leur obéir et qu’ils sont supérieurs à nous !

Vittoria dit à Sid :

– C’est Niccolò Maninere. Il est jeune, il doit avoir à peine cinquante ans. Il se bat depuis longtemps pour que les loyalistes reprennent une guérilla et pour établir un nouveau régime où le lignage n’est pas pris en compte. Malgré la promotion de deux sang non-nobles en chefs de clan, les sangs nobles gardent un grand pouvoir ici, d’où le respect que l’on témoignait à ma famille.

Quelques vampires avaient présenté des condoléances à la cheffe des Nosferi. Un vampire à qui il manquait une partie du nez et une oreille répondit à Maninere :

– La ferme, gamin ! Les sangs nobles sont nos meilleurs guerriers et nos meilleurs atouts contre les traîtres de Giacco ! Si tu avais même une once de leur pouvoir, tu m’approuverais, alors reste à ta place, tu es autorisé à assister au rapport de Wanda parce que tu es moins bête que certains vampires de ton âge, mais apprends à te taire !

Il se tourna vers Sid :

-Je suis Alfonso Luzzianese, j’ai servi pendant la guerre entre vampires et sorcières, ainsi que durant la bataille des catacombes. Ravi de faire votre connaissance, chef. Ne faites pas attention à Niccolò, il est trop bavard, mais dans le fond c’est un bon petit gars.

« Je suis Wanda Nottebella, l’agent double des loyalistes. »

Maninere ne semblait pas décidé à obéir, il revint sur les mots d’Alfonso :

– Ce sont nos meilleurs guerriers, et pourtant on les laisse partir à l’autre bout du pays, n’est-ce pas Vittoria ? Si je me souviens bien, elle était conviée dès son plus jeune âge à vos petits conseils de guerre, j’ai dû attendre d’avoir trente-trois ans avant d’avoir la même reconnaissance.

Une vampire d’un certain âge, qui paraissait avoir la soixantaine, cria :

– Niccolò ! On t’a dit de la fermer !

– Mais mère ! Êtes-vous tous aussi serviles que des chiens ? Il y a quelques mois encore, j’entendais certains d’entre vous espérer que Bloodheart ne vienne jamais nous rejoindre, de peur de voir votre petite autorité diminuer !

Wanda calma le jeu :

– Maria, ton fils a le droit de s’exprimer. Niccolò, ceux qui tenaient un tel discours auront vite fait de déchanter, les Cuoresanguinoso sont d’excellents stratèges et les personnes les plus à même pour redonner à notre peuple son lustre d’antan, bien qu’Alberto soit particulier. S’ils sont fidèles à la cause, ils sacrifieront leur grade à la demande du chef du Conseil des Six. Qu’en dis-tu Sidney ? Je ne t’entends pas beaucoup, tu es pourtant notre chef.

Sid s’était tu, écoutant, analysant. Il ne savait pas quoi dire. Devait-il saluer ces vieux briscards ? Devait-il commencer à donner des ordres ? Devait-il se méfier ? Il dit :

– Je suis d’accord avec Niccolò Maninere, les vampires issus de lignage noble ne sont pas censés donner des ordres que vous devez suivre aveuglément. En revanche, vous devez obéissance au Conseil des Six et à vos chefs de clan, une fois que ceux-ci seront nommés, peu importe leur sang. Cependant, je constate que les capacités que procure l’héritage des chefs de clan sont un atout pour protéger notre peuple. Un chef doit protéger son clan, il doit se mettre au service de celui-ci, pas l’inverse. Et le Conseil doit être au service des vampires. En échange, vous vous engagez à avoir confiance dans les choix que les chefs de clans et moi-même prenons et à suivre nos instructions. C’est aussi simple que ça. Deux clans ont déjà un chef, le mien et les Nosferi en la personne de Vittoria. Que ceux d’entre vous qui s’attendent à être chefs parce qu’ils ont servi Lino ou parce qu’ils sont plus âgés ne se fassent pas d’illusion. Une fois Giacco mort, une nouvelle ère s’ouvrira pour notre peuple. On ne va pas copier le système de l’âge d’or que nous avons connu sous Lino, il y a de nouvelles réalités. Vous allez commencer par reprendre la place qui vous est due au Fort. Nous aurons les moyens de nous procurer assez de vivres pour une centaine de vampires, des vêtements propres. Il y a aussi des dortoirs confortables et assez d’espace pour que vous quittiez enfin ce terrier où les fiers combattants de Lino sont en train de se transformer en mendiants loqueteux et sous-alimentés. Pour les chefs de clans, j’ai déjà une petite idée, mais je ne sais pas si je vais les choisir aujourd’hui.

Les vétérans le regardèrent, dubitatifs. Certains, ceux en apparence plus jeunes, comme Massimo ou Niccolò, semblaient plus enthousiastes que leurs aînés. Sid crut bon de passer la parole :

– Nous en discuterons plus tard ; Wanda a un rapport et je dois avouer être curieux de savoir ce qu’il se passe dans les catacombes.

La vampire hocha la tête et reprit là où elle devait s’être arrêtée quand les Cuoresanguinoso et Vittoria l’avaient interrompue :

– Comme je le disais, l’incident de Bialvo, comme Giacco le nomme, soucieux de ne pas laisser entendre que Sidney pourrait être un danger, a causé beaucoup de remous dans les catacombes. Giacco avait connu quelques échecs aux cours des jours précédents, ses vampires ayant été victimes des patrouilles de celui qui se fait appeler l’Ancien et de l’elfe Zjök, qui ont empêché deux attaques à Saffro et à Capriggio. Cependant, beaucoup sont conscients qu’il s’agit bien de l’Ange Noir quand on évoque le responsable de l’attaque sur la planque à Bialvo. Le seul survivant portait une invitation à rejoindre notre cause taillée sur le torse et plusieurs vampires l’ont vue. Giacco a fait exécuter le dernier membre de la brigade de Bialvo afin qu’il ne narre pas ses mésaventures aux autres. Les chefs de clans uniquement sont désormais autorisés à quitter les catacombes seuls, le Conseil craint que certains ne se rendent à Fort Cuoresanguinoso avec des informations. Il s’est aussi raconté que l’on pouvait entendre la voix de Frasca la Blanche derrière la porte reliant le Labyrinthe au Fort.

– La Tueuse a trouvé le Fort ?

Quelques vétérans se mirent la main devant la bouche de stupéfaction. Frasca ne devait pas être la personne la plus appréciée, ici. Sid en profita pour mener son enquête :

– Frasca est une amie. Cependant, beaucoup d’ombres entourent son passé. Qu’est-ce que vous pouvez m’en dire ?

Il y eut un tohu-bohu de contestations. Les plus vieux traitèrent directement Sidney de traître à la mémoire de Lino. Wanda tapa du poing sur la table pour réclamer le calme :

– La ferme, tout le monde ! Sidney a dit que Frasca était une amie, comme Vilius de son temps. Malheureusement, la sorcière en a profité pour lancer une malédiction de tabou sur les plus anciens d’entre nous, nous ne pouvons pas évoquer le passé de Macchiavetti à des personnes ne le connaissant pas. Cette peste couvre bien ses arrières. Par conséquent, ceux qui ont connaissance du passé de Frasca ne peuvent pas en parler avec toi, et ceux qui l’ignorent pas ne peuvent pas l’apprendre, vu que nous sommes incapables de le mentionner. Cependant, je peux te laisser témoin de l’émoi que le nom de ton amie a provoqué.

Alberto ricana :

– Vous vous êtes faits rouler par une sorcière usant de la magie des grimoires, désolé d’en rire, mais je vais quand même vous le dire, j’ai un peu honte de vous.

– Nous ne nous sommes pas faits rouler, corrigea Maria adossée à un mur, Vilius nous a imposé de laisser la Tueuse nous maudire. Même Mauro s’est plié à cette mascarade. Finalement, Vilius est mort, et Frasca et sa sœur se sont amusées à décimer nos rangs, tuant Mauro au passage.

– Mauro était un traître, dit Vittoria, c’est Lino qui l’a tué, ceux qui ont été assassinés sous le ministère de Malissia.

Wanda croisa les bras et constata :

– Je ne suis pas la seule à avoir un rapport à faire.

Ce fut Sid qui prit la parole :

– Oui, je vais tout vous raconter, ce qui vous a été caché et dont j’ai connaissance. Je ne suis pas Alberto, je veux que mon peuple sache qui était Lino et comment il est mort.

« Un chef doit protéger son clan, il doit se mettre au service de celui-ci, pas l’inverse. »

L’ancien chef du Conseil mentionné dit sèchement :

– Le chef va parler, alors pour une fois, ouvrez bien vos esgourdes et tâchez de la fermer jusqu’à la fin de son récit. Je constate avec dépit que même après quatre cents ans, les membres de mon peuple a toujours la sale habitude de parler tous en même temps et de ne pas laisser les gens s’exprimer.

Massimo, qui se tenait à côté de Sid, lui murmura :

– Ce qu’il ignore, c’est qu’ils sont encore pires que quand il dirigeait.

Sid dévoila que Lino était une femme. Alberto expliqua les raisons de ce secret. Puis l’Ange Noir parla du codex, ainsi que du retour de Lino sous le nom de Fortuna Bloodheart. Un vampire portant un cache-oeil s’écria à la fin du récit :

– C’est scandaleux ! Nous avons été dirigé par une bonne femme s’affichant avec une autre femme ! Je veux bien avoir servi une femme, mais je refuse d’être associé à une gouine !

Le fait que Lino fut une femme ne semblait pas avoir ébranlé les loyalistes, les raisons invoquées par Alberto étant des plus légitimes. C’était l’orientation sexuelle de Lino qui fut la cause d’une vague de contestation désorganisée. Wanda reprit son rôle de leader afin de demander le calme et la discipline :

– Bande de vieux corbeaux ! Vous allez finir par vous calmer ! Lino est morte, vous ne pouvez pas reprocher à son descendant ses choix de partenaires. De plus, si je me souviens bien, beaucoup d’entre vous approuvaient l’union de notre peuple avec la reine Pjefä. Lino était une femme attirée par les femmes, mais surtout une grande cheffe et un modèle pour notre peuple. Elle est morte en combattant, elle nous a purgé des traîtres, c’est ce que je retiens du récit de Sidney. Ceux qui sont mécontents peuvent retourner dans les galeries avec les autres et quitter la salle.

Le vampire au cache-oeil grogna :

– Je ne suivrai pas le descendant d’une folle s’adonnant à des perversions contre-nature.

Sid le regarda et dit :

– Vous êtes libres alors de rester ici dans la vermine et la crasse. Je ne forcerai personne à me suivre.

Vittoria ajouta :

– En revanche, je peux ordonner au clan Nosferi de venir au Fort.

Wanda sortit une lourde boîte en acier d’un vieux meuble en bois. Elle le posa sur la table et corrigea Vittoria :

– Tu es cheffe, car nommée par Sidney, mais il te manque une intronisation formelle.

« Je constate avec dépit que même après quatre cents ans, les membres de mon peuple a toujours la sale habitude de parler tous en même temps et de ne pas laisser les gens s’exprimer. »

Elle ouvrit la boîte dévoilant cinq broches portant chacun un blason en fer forgé. Il y en avait un avec les armes de chaque clan. Wanda prit celle où figurait une chauve-souris sur un blason coupé en deux par la verticale. L’autre moitié du blason était striée de cinq diagonales. Elle le tendit à Sidney, ce devait être au chef du Conseil de décorer la cheffe de clan. Il l’accrocha sur le manteau noir de Vittoria. Sid dit simplement :

– Bienvenue officiellement dans le Conseil des Six, Vittoria Nosferi.

Il avait dit vouloir attendre avant de nommer ses chefs, mais les contestations de certains ainsi que la crainte de ne pas être suivi le firent changer d’avis. Il avait identifié deux chefs de clan potentiels. Il prit une broche dont le blason était séparé en trois partie et dont le tiers central était orné de motifs ressemblant à des V inversés, les deux autres parts étaient unies, et se tourna vers Massimo. Après lui avoir posé les mêmes questions qu’à Vittoria quand il l’avait choisie au Monte Friccio, Sid dit en accrochant la broche :

– Massimo Luzzianese, tu es le fruit de l’union d’un sang noble et d’une mortelle, le fils d’un des sangs nobles fidèles à Lino. Tu as vu la guerre, tu apporteras ton expérience. Vittoria semble aussi se porter garante de toi. Je te désigne pour diriger les Luzzianese.

Puis Sidney traversa l’assemblée tenant un troisième emblème, un écusson coupé en deux parties, celle de gauche représentant deux mains, celle de droite étant vierge. Il s’approcha de Niccolò Maninere :

– Tu tiens à l’égalité entre vampires et tu veux que les plus petits soient écoutés. Tu désires reprendre le combat afin d’établir un peuple libre et affranchi, je t’en offre l’opportunité. Nous ne sommes pas nés dans les mêmes conditions, nous ne nous sommes jamais rencontrés auparavant, mais je désire t’avoir comme frère d’armes et comme allié. Acceptes-tu de combattre à mes côtés dans un but commun, le bien de notre peuple ?

Si la nomination spontanée de Massimo et également la mention de sa filiation à Pietro Luzzianese ne firent pas réagir les loyalistes, son sang noble devant être source de rumeurs qui ne furent que confirmées par les mots de Sidney. Le choix de Niccolò provoqua un nouveau tonnerre de protestations, surtout dans le coin où se trouvaient de nombreux vampires estropiés ou plus âgés. Niccolò prit la broche de la main de Sid :

– Je ne désire pas être décoré par un sang noble. Laisse-moi, par ce geste, dit-il, en accrochant l’insigne, accepter ton offre et te promettre que je servirai notre peuple tant qu’il le faudra et que je me ferai la voix des lignages les moins nobles. Tu sembles différent des sangs nobles que j’ai rencontrés ou dont on m’a parlé. Ainsi pour libérer notre peuple du traître Giacco, je me battrai à tes côtés, mon frère.

Il fit une surprenante accolade à l’Ange Noir et s’exclama :

– Que les Maninere qui en ont marre d’être dirigés par des vétérans traditionalistes et trop attachés au passé me suivent au Fort. Les autres, tant pis pour eux !

Il ressemblait à un révolutionnaire, et se tenait droit, à la différence de beaucoup de vampires de la cachette. Son charisme faisait de lui un allié précieux. Massimo, lui, était déjà parti réunir son clan. Wanda regarda Sidney :

– Si tu le désires, je suis prête à renoncer à mon rôle d’espionne et à mener mon clan, que ce soit celles qui vivent ici ou dans les catacombes au Fort.

Le clan Nottebella était le seul clan composé uniquement de femmes. Leur descendance mâle étaient répartis à travers les quatre autres clans, vu que le clan Cuoresanguinoso était composé uniquement de la famille d’Alberto. Jester dit à Wanda :

– Je désire m’affranchir du passé, les anciens chefs de clan n’ont plus de légitimité. Je voudrais un Conseil jeune, Massimo est plus âgé, parce que j’ai besoin d’expérience et que Vittoria semble lui faire confiance. Même si je reconnais ton importance et si je te suis reconnaissant d’avoir géré les loyalistes, je veux donner un nouveau souffle à notre peuple. J’espère que tu le comprends. Cependant, si tu connais une membre de ton clan qui pourrait correspondre, je suis à l’écoute. J’ai une idée pour le clan Lunascura qui est, selon Alberto et Sangue, composé de vampires peu éduqués.

La réponse de Sidney à sa proposition sembla agacer la cheffe des Nottebella, mais elle fit une petite révérence en disant :

– Si telle est la volonté du chef du Conseil des Six. Les Lunascura ont le malheur de ne pas avoir de vrai leader. Federico était le dernier de la lignée. Son successeur au sein du Conseil de Lino a été désigné par Mauro et était un pantin. Ensuite, il y a eu la dégradation des chefs de clan à la mort de Vilius. Si tu leur trouves un chef digne de confiance et un vrai meneur d’homme, ce sera bénéfique pour eux. Il y a quelques anciens qui pourraient à ce profil, mais malheureusement, ils ne sont pas vraiment le genre de chef de clan que tu cherches.

L’assemblée commençait à se disperser, les nouveaux chefs réunissant leurs clans, les vétérans vaquaient à leurs occupations. Alberto se joignit à la discussion :

– Concernant le clan Lunascura, je pense que Sid voudra nommer un de ses proches à qui il administrera le Venin. Je suis sûr que la personne qu’il a en tête saura fédérer ce clan, même si il faudra gagner leur confiance. En attendant, je propose d’en occuper la régence.

– Le Venin ? Voyons, tu sais bien que seul Nabero en possède !

Sid sortit une fiole pleine de la formule et la posa devant la cheffe des Nottebella.

– L’héritage de Lino. La raison pour laquelle Pjefä semblait éternelle, clama Alberto. Nous ne l’utiliseront qu’en cas de grande nécessité. Nous avons réussi à créer un Venin ne provoquant pas la folie ou une addiction au sang humain. Il sera le salut du clan Lunascura.

Wanda prit la fiole et s’exclama :

– Il faut que vous me donniez cette fiole. Avec elle nous pourrons grossir les rangs des loyalistes, nous pourrons être assez nombreux pour faire tomber Giacco en une heure !

Sid lui arracha le Venin des mains :

– Non, avant de l’administrer à qui que ce soit, je lui en demanderais la permission. De plus, nous n’avons jamais testé ce produit sur les mortels. Je ne veux pas d’un peuple artificiel. Une fois que j’aurais désigné celui ou celle qui mènera les Lunascura, le Venin sera placé dans un coffre dont seul moi aurai la clé ou il sera détruit.

Wanda croisa les bras, sa sympathie envers Sid semblait se transformer en un simple respect froid et sans cœur. Elle siffla :

– Et qui dirigera ce clan ? Frasca?

Alberto nota :

– Lui injecter du Venin ? La transformer en vampire ? Ce serait la meilleure manière de lui rendre la vie insupportable ! Sid, permets-moi de me rendre fissa à la Croce Nera et faire de Frasca une vampire !

– Non, ce sera ni Frasca, ni Shadow, la dragonne, je vais proposer à Valeria Conti, la mage mortelle, de me seconder et de faire de son clan un clan de mages vampires en leur enseignant la magie des grimoires. Elle dirige les mages du Val Nessona et a donc l’expérience des responsabilités. Je suis sûr que les Lunascura ne sont pas des bons à rien, je suis persuadé que Valeria sera capable d’en exploiter le potentiel. Si elle refuse, je me tournerai vers une solution interne aux loyalistes.

La Nottebella commençait à fulminer d’impatience, la tournure des événements ne lui plaisait de toute évidence pas. La Majesté des Chefs s’échappait peu à peu des pores de sa peau, la rendant menaçante. Cependant, la présence d’Alberto l’intimidait assez pour qu’elle se contienne. Elle se tourna vers lui :

– Tu approuves les décisions de ton descendant ?

Alberto sourit dévoilant ses crocs et ricana :

– Mon très estimé chef de clan et descendant a, depuis que je le connais, réussi à clouer le bec de Frasca et est parvenu à te faire abandonner ton attitude de lèche-bottes mielleuse, c’est la preuve qu’il ne peut pas être un mauvais chef. Si, pour lui, la mage est la cheffe appropriée pour le dernier clan, je lui fais confiance. Je suppose que tu vas choisir la plus docile des chatonnes pour diriger ton clan, le genre de Nottebella qui t’appelle Dame Wanda.

Wanda eut un rictus. Elle appela :

– Rosanna !

Une vampire aux cheveux blancs comme ceux de Wanda apparut deux minutes plus tard. Elle avait l’air plus âgé que les autres chefs de clans nommés par Sid, à l’exception de Massimo dont l’attitude posée et le regard plein de lucidité trahissaient un âge plus avancé que d’autres vampires. Elle fit une révérence. Jester l’avait aperçue dans l’assemblée plus tôt. Wanda dit :

– Voici ma fille Rosanna Nottebella. C’est elle qui gère mes vampires ici dans ce trou à rats. Son père était un sorcier de Treghia, mort lorsque ce dragon a détruit le village. C’est elle que je choisis pour diriger mon clan, vu que le nouveau chef du Conseil ne veut pas de mes services. Rosanna, tu vas emmener nos sœurs à Fort Cuoresanguinoso; une fois là-bas, tu te tiendras prête à accueillir mes Nottebella des catacombes qui auront besoin d’un refuge quand le Conseil des traîtres sera vaincu.

« Je suis sûr que les Lunascura ne sont pas des bons à rien, je suis persuadé que Valeria sera capable d’en exploiter le potentiel. »

Elle prit la broche et l’accrocha au manteau, en très bon état pour un vêtement ayant passé quelques décennies dans la cachette des loyalistes, de sa fille. Sid fit prêter serment à Rosanna. Il rejoignirent la sortie de la planque et virent une colonne d’une septantaine de vampires qui s’était formée à la sortie du souterrain au cœur du hameau en ruine. Un groupe d’une vingtaine de vampires était à l’écart, c’étaient ceux qui ne comptaient pas rejoindre Sid et qui resteraient dans les souterrains du Monte Gattino. Il y avait de nombreux vétérans marqués de cicatrices, mais aussi des plus jeunes, sûrement unis par des liens familiaux étroits. Parmi les loyalistes qui allaient se rendre au Fort, de nombreux vampires portaient des manteaux mangés aux mites qu’ils avaient récupérés dans les coffres et affichaient des bannières datant de la Guerre des Cœurs Sanglants. Niccolò dit à Sid :

– Ils veulent que la Vallée sache que les loyalistes reprennent le combat, que les vampires sont de retour. Ils veulent aussi faire bonne impression, c’est pour cela que je les ai encouragés à chercher des vestiges de notre dernière grande guerre. Une nouvelle ère s’ouvre pour notre peuple !

Un cortège dansant et chantant d’enthousiasme se dirigea alors vers Fort Cuoresanguinoso.

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