La Hyène, le Chien et le Bouc

adapté d’un conte burkinabé

Le Magicien était assis sur la terre rouge. Étincelle dans les bras, le vagabond s’était mêlé à un groupe de jeunes du village. Un vieil homme était assis en face de l’assemblée dans laquelle l’enchanteur écoutait attentivement. Il arrivait parfois que le Magicien s’arrête dans un village pour écouter les conteurs locaux, certains narrant même ses aventures. Mais dans ce petit village du Burkina Faso, le voyageur écoutait le vieux conteur raconter l’histoire de trois animaux partant à la pêche :

« Le chien, le bouc et la hyène se rendent alors au ruisseau pour pêcher. La pêche est mauvaise, très mauvaise, si bien qu’ils ne pêchent que trois poissons pour leur repas de midi, un gros, un moyen et un petit. Le bouc est chargé de répartir les poissons. Il s’octroie la prise la plus conséquente, donne le poisson de taille moyenne à la hyène et offre le minuscule poisson au chien. La hyène n’est pas contente du partage du bouc, elle redistribue les fruits de la pêche à sa manière : elle s’attribue le gros poisson, donne le moyen au chien et lance négligemment le petit poisson au bouc. Le chien, voyant le bouc mécontent, dit :

– Donnez-moi les poissons, je vais vous les distribuer de façon juste.

La hyène lui tend les trois poissons. Le chien les prend, les épice et les fait cuire. Une fois les poissons prêts à être mangés, la hyène et le bouc s’approchent du plat. Mais le chien avale d’un coup les trois poissons et s’enfuit en courant. La hyène se jette à sa poursuite. Le bouc de son côté s’en va se recouvrir de boue.

Au bout de quelques minutes, la hyène s’est fatiguée.

Elle ricane :

– Si je ne peux pas avoir le chien, j’aurai le bouc.

Elle retourne alors vers le bouc, qui est méconnaissable sous l’épaisse couche de terre dont il s’est recouvert. Ne le reconnaissant pas, elle demande au bouc :

– Dis-moi, toi qui es recouvert de boue, as-tu vu le bouc ?

L’étrange animal répond :

– Si tu me laisses te donner dix coups de bâton, je te montre où est parti le bouc.

La hyène accepte et se fait frapper. Le bouc lui indique un chemin dont il sait qu’il arrive à un croisement où il pourra croiser la hyène à nouveau. La hyène remercie l’animal recouvert de terre et suit le chemin qu’il lui a montré. À un croisement, elle rencontre à nouveau le bouc, toujours méconnaissable, et lui redemande :

– Mon ami recouvert de boue, est-ce que le bouc est passé par ici ?

Encore une fois, le bouc lui propose de lui dire quel chemin prendre en échange du droit de la frapper. La hyène accepte à nouveau.

Ce manège continue, le bouc indiquant toujours des sentiers où il peut se retrouver sur le chemin de la hyène et se jouer d’elle.

Au bout d’une demi-journée à se faire frapper par le bouc, la hyène, toute meurtrie par les coups de bâton, se fait la réflexion suivante :

– Je croise beaucoup d’amis boueux aujourd’hui. De plus, ils ont la voix du bouc, la forme du bouc et l’odeur du bouc. C’est la boue qui me trompe.

Quand elle retombe nez à nez avec le bouc, elle ne se fait pas avoir et le prend à la gorge :

– Cette fois, je ne me ferai pas avoir, tu as passé trop de temps à t’amuser à me frapper. Cette fois, je vais te manger. Mais avant je dois trouver un endroit où aucune mouche ne vole.

La hyène traîne le bouc à travers la brousse, s’arrêtant parfois pour vérifier s’il y a des mouches à certains endroits. Quand elle trouve enfin un lieu où les mouches ne volent pas, la hyène s’apprête a manger le bouc. Mais elle sent une présence derrière elle. Elle se retourne et se retrouve face au roi des animaux : le lion. La hyène sourit bêtement et cherche une excuse pour justifier sa présence sur le territoire du roi.

– Nous sommes venus te rendre visite, nous avons entendu dire que tu étais malade.

Le lion sourit aux deux autres :

– C’est gentil de votre part, auriez-vous un remède ?

La hyène ricane :

– Le bouc vit parmi les hommes, il doit s’y connaître en médecine.

Le bouc est très malin et voit là une nouvelle occasion de se moquer de la hyène. Il déclare :

– Je sais comment te soigner, il faut mettre un canari sur un feu. Le foyer a besoin de deux pierres et de la tête d’une hyène vivante pour faire tenir le canari.

La hyène se gratte la tête et demande avec méchanceté :

– Comment va-t-on trouver une hyène vivante assez bête pour accepter de se faire brûler le visage ?

Le lion lui donne un grand coup de patte sur la tête :

– Tu n’es pas une hyène ?

La hyène se couche alors pour servir les plans du bouc qui a déjà préparé les deux pierres. Il allume un feu. La hyène sent les flammes lui lécher le visage et tente de se mettre dans une position moins dangereuse.

Le bouc dit au lion :

– Si la hyène continue de bouger, elle va faire rater le remède.

Le lion gronde alors :

– Cesse de gigoter.

Mais les flammes brûlent le visage de la hyène qui finit par partir en courant. Le lion se lance à sa poursuite.

Ainsi la hyène n’a pas pu manger le bouc, et le lion retrouve sa vigueur en pourchassant la hyène.

Depuis lors, ces trois animaux, le lion, la hyène et le bouc, ne peuvent se rencontrer sans se fuir. »

Le conteur conclut son histoire et rentra dans sa case. Le Magicien, Étincelle dans les bras, se leva et se remit en route. Il s’était accordé une petite pause pour écouter le vieux conteur. Le vagabond quitta le village pour partir à la rencontre d’autres contes et histoires.