La fille paludine
Adapté d’un conte chinois
Le Magicien posa son verre de lait de chèvre et regarda les deux vieux qui l’avaient accueilli pour la nuit. Le feu dansait dans l’âtre de la petite maison de bois, ses affaires séchaient au-dessus du foyer de la cheminée. Il était de bonne humeur, il se souvint d’un de ses voyages qui le mena jusqu’en Chine. Il aimait parler de ses périples quand il était en bonne compagnie.
-Je vais vous raconter une histoire dont j’ai eu vent au cours d’un de mes voyages en Orient.
« C’est l’histoire d’un jeune homme. Je me souviens avoir eu beaucoup de peine pour lui en apprenant qu’il vivait seul, non par choix, mais parce qu’il était orphelin. Il était très apprécié dans son village. Sa générosité et sa gentillesse lui avait valu l’affection de tous et son honnêteté était irréprochable. Il m’avait confié se satisfaire de son sort, mais j’avoue avoir eu un léger pincement au coeur quand il me regarda avec des yeux luisants d’émotion et qu’il ajouta que malgré cela, le fait de ne pas avoir de famille à qui parler lui pesait. Mais j’ai entendu dire qu’il lui était arrivé quelque chose d’incroyable quelque temps après que je l’aie rencontré.
Un jour, ce jeune garçon alla travailler dans son champ. Sa journée fut longue, très longue. C’était au plein coeur de l’été et dans cette région, je peux vous assurer que le soleil est impitoyable. Alors que notre jeune ami labourait son champ, il vit une paludine… »
Le Magicien s’interrompit et vit l’incompréhension de ses hôtes. Il but une gorgée de lait et expliqua d’un ton neutre :
-Une paludine, c’est une sorte de gros coquillage.
Dans cette région montagneuse, les vieux n’avaient jamais vu de coquillage et de toute évidence, ils n’avait même jamais entendu le mot « coquillage ». L’enchanteur se gratta la tête et essaya une image peut-être mieux adaptée :
-C’est un gros escargot, si vous préférez.
Voyant que le couple avait fait signe de continuer son histoire, il en conclut qu’ils avaient compris. Il reprit le fil de son récit :
« -Donc, notre jeune homme vit cette paludine souffrant de la sécheresse du sol et de la chaleur insoutenable de l’été. Il la prit dans ses mains et dit avec gentillesse :
-Comme tu as l’air triste, ici. Ne t’inquiète pas, je vais t’emmener chez moi. Je te déposerai dans ma jarre d’eau, afin que tu puisses étancher ta soif. Tu verras, tu y seras bien.
Il prit l’escargot et l’amena dans sa demeure. Il le déposa dans une grande jarre remplie d’eau et retourna finir sa journée dans son champ.
Les jours passèrent et le jeune homme remarqua que quelque chose avait changé chez lui. Quand il rentrait chez lui, il n’avait pas besoin de remplir sa jarre en allant puiser de l’eau au puits du village. C’était comme si le récipient ne se vidait jamais. Et l’eau était la plus pure qu’il n’avait jamais bue. On aurait dit qu’elle avait été puisée dans une source de montagne. De plus, à la fin de la journée quand il rentrait chez lui, après une longue journée de dur labeur, il trouvait sa demeure dans un état resplendissant, ses outils lavés et ses vêtement propres. Un repas chaud l’attendait également sur la table. Durant tout ce temps, la paludine restait dans la jarre et le jeune homme avait pris l’habitude de lui parler comme s’il s’agissait d’un être humain. Il lui racontait sa journée, ses humeurs et ses rencontres. Le garçon était heureux de ces changements, si bien qu’il ne chercha jamais à savoir qui faisait le ménage chez lui et lui préparait de bon repas, ni pourquoi. Il attribua sa chance à une intervention divine. »
Le Magicien eut un rictus légèrement moqueur en levant ses yeux noirs vers le plafond. Il soupira et reprit le cours de son récit :
– « Mais un jour, alors qu’il travaillait dans son champ, de gros nuages se massèrent dans le ciel. Il commença à pleuvoir. Le jeune homme n’avait jamais eu peur des caprices de la nature, il continua son labeur; ce n’était pas quelques gouttes qui allait l’empêcher de faire ce qu’il avait à faire. Mais à la pluie s’ajouta le vent, puis la foudre et le tonnerre. Constatant qu’il ne pouvait pas continuer son travail, il se résigna à rentrer avec quelques heures d’avance. Il arriva devant sa porte et entendit un bruit provenant de l’intérieur de sa maison. Le garçon se demanda s’il n’allait pas tomber sur la personne faisait le ménage chez lui, à moins qu’il ne se retrouve nez-à-nez avec un cambrioleur. Il poussa la porte discrètement, pour surprendre l’intrus. Il vit alors une jolie jeune femme en train de préparer un potage. Le jeune homme devina qu’il s’agissait de la personne responsable des changements récents dans sa vie. Quand l’inconnue le vit, elle l’accueillit avec un grand sourire et avec beaucoup de tendresse. Le garçon l’interrogea sur la raison de toutes ces attentions envers lui. La jeune fille le regarda de ses beaux yeux et lui dit :
-Tu ne devines pas ? Je suis la paludine que tu as sauvé de la sécheresse, il y a quelques semaines, à qui tu racontes tes journées et que tu as accueilli chez toi, sans rien demander en retour. C’est pour te remercier que je range ton logis et te prépare un repas chaud.
Une fois sa surprise passée, le jeune homme demanda à la jeune fille si elle souhaitait l’épouser, ce qu’elle accepta immédiatement. Ainsi, le garçon eut à nouveau un famille à aimer et à chérir.»
Le Magicien conclut son récit et regarda les deux vieux, qui semblait apprécier ses talents de narrateur. Il pensa à une histoire qui le faisait beaucoup rire :
-Si cette histoire vous a plu, attendez d’entendre celle-ci: En Arabie, j’eus le plaisir de rencontrer un riche marchand, passionné par les chevaux…
La soirée continua au rythme des récits du Magicien, autour de la table dans la petite maison de bois du couple de vieux.