北海道 – {Hokkaidō}

Ce qui me manque le plus de la Suisse quand je n’y suis pas? Les montagnes. Sans elle, l’horizon semble incomplet. Et pourtant, le bleu du lac Léman n’arrive pas à me faire oublier la mer.

Hokkaidō, l’île la plus au nord de l’archipel japonais, ressemble un peu à la Suisse ; elle est montagneuse et rurale, mais aussi bercée de toute part par l’eau salée. Hormis Sapporo, les « villes » ont taille humaine. Les touristes sont plutôt rares et la vie plus simple. Pas plus facile. Pour la première fois, j’ai eu l’impression de rencontrer le vrai Japon, celui que la terre a façonné. Ce n’est pas pour rien que la nature a toujours été une source d’inspiration pour les poètes, elle émerveille, elle apaise. Son immensité trouble, bouleverse, sans pour autant donner le tournis comme les villes bâties par nos mains. Beaucoup d’entre nous cherchent la paix égoïste, celle que l’on qualifie d’ « intérieure », alors qu’en fait, elle n’a jamais changé d’adresse.

 

En longeant les côtes d’Hokkaidō, j’ai compris que je n’avais pas forcément à faire de choix. A travers les vitres du train qui me ramenait sur l’île principale, j’avais les yeux rivés sur la mer. Elle était comme je l’aime, agitée et d’un bleu profond, presque noir. Le bruit des vagues s’écrasant sur la côte me berçaient. Quand soudain, je me suis mise à penser aux montagnes et à cette question habituelle:« plutôt mer ou plutôt montagne ? ». J’y ai toujours répondu du tac-au-tac : « mer ». Comme si tout devait être ailleurs et rien ici [en Suisse].

En tout cas, dans ce train, interrompue par une pensée qui venait de loin, j’ai décroché mon regard de la mer et l’ai tourné vers la droite. Et là… les montagnes. Les inconciliables réunis au même endroit. Voilà ce à quoi j’aspire, pouvoir poser mon regard sur quelque chose, n’avoir qu’à tourner la tête pour faire apparaître ce qu’il n’y avait pas.

 

J’aurais du mal à vous décrire ce que j’ai ressenti le long de ces paysages… En fait, nous vivons dans une société terriblement matérialiste. Vous allez me dire quel est le rapport ? J’y viens. Nous achetons et répétons sans cesse cette opération, on court sans relâche après quelque chose (un bonheur durable, une paix, etc) mais malgré tout, cette « chose » change de visage dès qu’on s’en est saisi, nous crispant sur ce qui manque plutôt que sur ce qui est déjà là. Hormis me déplacer, je n’ai rien fait pour mériter le spectacle qui s’est offert à mes yeux ; alors que je ne le chassais pas, la nature m’a probablement donné plus qu’aucun être humain ne pourra jamais le faire. Et cela, sans pré-requis.