Hiroshima, espoir dans l’obscurité

Hiroshima a changé ma vie.

J’ai débarqué à Hiroshima par un jour de pluie, qui aurait pu rendre ma première impression quelque peu terne. Or, ce fut tout l’inverse. Rien qu’en mettant un pied hors de la gare, j’étais sous le charme. Si c’est une grande ville, la capitale de la préfécture du même nom, en comparaison à l’immense Tokyo, elle est plus calme et les rues plus dégagées. La magnifique rivière Ōta et ses rives verdoyantes en font un endroit où il fait juste bon vivre.

A tel point que l’on pourrait presque en oublier ce que Hiroshima représente aux yeux du monde, si l’on ne passait pas aux côtés de son vestige le plus emblématique, le dôme Genbaku ou dôme de la Bombe. Un bâtiment qui servait à l’origine de palais d’exposition industrielle. Le 6 août 1945, la première bombe atomique de l’Histoire a explosé à 500 mètres du sol, au-dessus de cet édifice de briques. Bien qu’ayant subi de plein fouet le souffle de l’explosion, il est resté debout révélant ainsi l’ossature métallique qui le distingue dorénavant.

Pour y être retournée après cette première journée grisâtre, je peux vous dire que le parc qui abrite ce stigmate de la guerre respire la vie, avec le souvenir en filigrane. Le musée de la paix se situe en son coeur, le prix de son entrée est anecdotique – quarante centimes – pour une visite loin de l’être.

Elle débute par une vidéo : vous l’avez tous vue maintes fois, peut-être avez-vous même trouvé à ce champignon atomique un certain esthétisme dans le ciel des images d’archives. Mais quand vous êtes à l’endroit même où la foudre s’est abattue, au-dessus de votre tête, cette vision ne déclenche plus la même réaction. J’ai pris une des plus grandes claques de ma vie. J’ai eu mal de ne pas avoir eu assez mal avant, sans pouvoir blâmer mon ignorance. Mal de me retrouver face à l’effacement de toute humanité, au sens propre comme au figuré.

En poursuivant la visite, la détresse du début laisse place au besoin de comprendre comment on a pu en arriver là. Le silence qui remplissait la première pièce, s’est mué en chuchotements dans la deuxième. Les visiteurs ont commencé à discuter, certains à témoigner. Après avoir arpenté les lieux, pendant deux bonnes heures, la décision de l’appeler Musée de la paix – et non pas celui de la bombe – a pris tout son sens.

En une phrase, volontairement lapidaire – même roman ne pourrait se substituer à une expérience qui est à vivre –, je pourrais assimiler cette visite à un phénomène de résilience en accéléré, duquel on sort léger comme si l’on pouvait encore avoir foi en l’humanité.

Le Japon ne possède pas l’arme atomique. Il milite ardemment pour le démantèlement de celles que les pays les puissants de la planète gardent au chaud dans leurs sous-sols. Plusieurs fois par année, il revient au Premier ministre la tâche d’écrire à ses homologues afin de les convaincre d’abandonner l’idée même de posséder une telle arme. Ses demandes sont restées infructueuses jusqu’à présent. Personne n’a le courage d’y renoncer. Ou personne n’en a l’humanité, devrais-je dire. Et le fait que ces armes nucléaires soient davantage utilisées comme moyen de dissuasion plutôt que comme arme dont on se sert réellement, n’est qu’un argument présentant l’avantage pour les dirigeants de ne pas avoir à se poser la question. Et surtout, de ne pas y répondre !

Espérons que nos élites politiques puissent être à même d’entendre un jour l’appel de la sagesse et d’aller visiter le musée de la paix pendant leur mandat… et pas après !

En tous les cas, Hiroshima est sortie la tête haute de cette épreuve, non sans difficultés ou sans désirs de vengeance – ce n’est pas le pays des bisounours ! Mais les Japonais ont montré que malgré la mort, la vie trouve toujours un chemin. Peu importe le contexte, quelle que soit la forme de vie. « L’important, c’est ce que l’on fait de sa misère », ai-je entendu un jour. Et si je ne devais être convaincue que d’une chose, c’est que l’on peut en faire quelque chose de magnifique. Cependant, ça ne vous tombe pas sur le coin de la figure un beau jour !