Des couleurs honnêtes – Makyr

 

Par une journée de poussière où je n’étais qu’un enfant
Je savourais le bleu du ciel, baignant dans les cris de joie
Des mômes bienheureux et bien portants

Un spectacle qui ne point déçoit
Et pourtant m’intriguait.

 

Qu’anime mes semblables et pairs pareils
D’où vient cette frénésie euphorique qui les poussait

à jouer

Crier

Taper

Sauter

Et faire autres bagatelles.

 

Je décidais alors sur le moment pour m’octroyer plus de clarté
De soustraire toute couleur prétentieuse à ma vue
Les rouges, bleus et verts orgueilleux tant revus
D’un revers de main écartés

 

Le monde revêtit à moi seul des couleurs honnêtes
Le blanc irradiant et le noir profond
Remplissaient et ressortaient les fins contours nets
Des gamins dessinés sur de fragiles torchons

 

Et au milieu de ces traits d’enfants
se trouvaient de beaux éclats miroitant leur être
Décrivant leurs passions, leur âme et leurs penchants
Aussitôt je me précipitais sur le miroir
Exaltant par les beautés qu’il me semblait promettre

 

A ma surprise, ce fut un vide à forme humaine que je vis
L’abysse était laide et stérile, l’absence de lueur abjecte
Mon âme me sembla infecte
Et je compris pourquoi les autres si souvent j’envie

Mais au lieu de devenir dangereux et amer
Je conclus qu’il était mieux de me retirer
Préférant ma tristesse cuver

 

Mais à force de m’abstraire, à la réalité soustraire
Je laissais par inadvertance tomber mon fragment

 

Alors la peur m’envahit
Je m’en fuis précipitamment
Réparer aussitôt cette anomalie

 

Les pièces ne s’emboitent plus
L’image manque de substance
Alors j’y ajoute des idées noires en abondance
Collantes, poisseuses, elles sont bien le plus horrible liquide connu

 

Avec cela, je recolle les pièces et remets le miroir sans trop de finesse
Mon nouveau reflet me sidère
Un visage brisé, sinistrement sincère
De morceaux en noir et blanc, les seules couleurs honnêtes que je connaisse.

par | Poèmes